Le club des polarophiles québécois

Pitié pour Constance (d'André Fortin)

RP (avril 2012)


En un coup d'oeil

constance
  • Date de publication originale : 2011 (Éditions Jigal).
  • Genres : Roman noir - politico-judiciaire
  • Mots-clés : ultra-gauche, Cellule Grise, enlèvement
  • Personnages principaux : Constance Sicardi égérie gauchiste, juge d'instruction Galtié
  • Résumé : sur un polar-collectif et Critique Livre (très complet)

À mon avis

Constance Sicardi est une jeune fille intelligente et cultivée qui a fait des études de Sciences Politiques (Sciences Po). C’est aussi l’égérie d’un parti d’extrême gauche alors que son père est député de droite dans la majorité qui gouverne la France. Constance sait convaincre, elle a des arguments dont l’un est imparable : c’est une beauté ! Aussi lorsque est invitée dans une réunion des partis de gauche, elle se taille un beau succès, basé à la fois sur son discours et sur sa fascinante beauté. Du coup elle sème la discorde dans le champ politique traditionnel de France. Elle est le grain de sable qui grippe les clivages habituels. Elle devient gênante pour beaucoup. C’est pour cela qu’elle est enlevée par un groupe de barbouzes, appelée Cellule Grise, qui est de connivence avec certains membres de la majorité. Son père, Albert Sicardi, est un député de droite modéré : humaniste, patriote qui ne se fait pas d’illusion sur la politique. Contrairement à sa fille il n’a pas de conviction inébranlable, il sait faire les compromis qu’il faut et même avaler un certain nombre de couleuvres, mais il est honnête. Le père et la fille se sont éloignés quand leurs orientations politiques sont devenues opposées. Mais le père adore sa fille, il l’admire même alors quand il apprend qu’elle a disparu et que l’enquête va être confiée à la section anti-terroriste, il s’y oppose car il ne fait aucune confiance à ses amis politiques et il ne veut pas que l’enquête soit enterrée. Il arrive à imposer le juge d’instruction Galtier en charge l’enquête, un juge dit rouge, qui a la réputation d’être sans compromission et non influençable.

André Fortin dénonce à travers ce roman l’exercice du pouvoir et le fonctionnement de la justice. C’est une charge contre l’hypocrisie, la manipulation, le nom respect des lois et aussi toutes les magouilles mises en œuvre pour acquérir et conserver le pouvoir. C’est un constat sans concession de la perversion du pouvoir. C’est assez sombre et pessimiste sur le fonctionnement de la démocratie, presque un appel à la révolte. Mais ce n’est pas un pamphlet politique, l’auteur raconte une histoire intéressante qui tient en haleine. Les personnages sont bien dépeints, mêmes ceux qui sont secondaires, ils servent bien le récit. L’écriture est de bonne qualité, sans fioriture.

Ensuite, le pouvoir et tous ceux qui tirent les ficelles à leur profit se sont adaptés. Ils ont pris ça en compte puis en main. Ils ont concocté la parade : c’est l’art de la « communication », cette science politique nouvelle et miraculeuse, qui le leur a permis. Voila une des conclusions lucide et désabusée du juge Galtier, qui résume assez bien l’esprit du livre.

André Fortin sait de quoi il parle, il a eu l’occasion d’observer de l’intérieur le fonctionnement des institutions puisqu’il est ex-juge d’instruction, ex-juge pour enfants, ex-vice président du tribunal de Marseille.

Un livre intéressant et instructif pour ceux qui pensent que la justice est impartiale et que l’exercice du pouvoir est grand et noble.

Ma note : 4 / 5