Ken Bruen

R&B Vixen
La main droite du diable

R&B Vixen
JH (juin 2009)


Publication: 2008 (édition française: 2009)
Genre: polaroïde
Résumé et critique: ici.

À mon avis

Ken Bruen est un auteur irlandais (ce qui ne paraît pas, car ses intrigues se déroulent à Londres) et est docteur en métaphysique (ce qui ne paraît pas davantage, ses romans n'ayant rien de philosophique).

Autour d'une intrigue assez mince et dans un roman très court (188 pages très aérées), Bruen, dans ce cinquième roman de la série mettant en vedette les inspecteurs Roberts et Brant (d'où le R&B du titre), s'amuse à mettre en scène, sur un ton humoristique, une équipe de flics assez typés: la Noire de service, le gay de service, le superintendant guindé et nos deux lascars, noceurs et un peu ripoux sur les bords, qui ne font pas dans la dentelle.

Lecture pas désagréable, mais sans conséquence. On a l'impression de relire pour la centième fois la chronique d'un poste de police assez convenu, avec les excès, l'alcool et les blagues d'usage, chronique qui frôle la parodie mais sans que l'humour soit suffisamment appuyé pour parler d'un polar franchement drôle. Nos collègues des blogues français semblent adorer (voir ici et ); je me demande un peu pourquoi.

Ma note: 3/5


R&B Vixen
La main droite du diable

La main droite du diable
MD (novembre 2011)

En un coup d'oeil

À mon avis

Ken Bruen, né en 1951 à Galway en Irlande, a d'abord été enseignant en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud, avant de se consacrer à l'écriture de polars et de romans noirs depuis une dizaine d'années. En plus de plusieurs autres romans, nous retenons deux séries : celle des inspecteurs Roberts et Brant (voir ci-dessus) , et celle de Jack Taylor, ancien policier démis de ses fonctions à cause de son alcoolisme, et qui enquête maintenant comme détective privé. C'est lui qui est en vedette dans La main droite du diable. C'est mon premier roman de Bruen et ses adeptes proposent de lire ses œuvres dans l'ordre chronologique, commençant par Delirium Tremens (Folio Policier, 2004, # 417).

On est un peu trop porté à mettre dans le même moule Anglais, Écossais et Irlandais; et, j'imagine, Irlande catholique et Irlande protestante. Ce qu'il y a de dépaysant dans ce roman, je dirais presque exotique, c'est que nous nous retrouvons dans une Irlande catholique (la République indépendante de l'Irlande, avec Dublin comme capitale à l'est et Galway comme port important sur la côte ouest, où l'action se déroule) aux alentours de 2002-2003, pas longtemps après le scandale des prêtres pédophiles, et nous assistons à l'ébranlement des privilèges et du prestige ecclésiastiques qui a perturbé cette société. Au Québec, quand le scandale des enfants de Duplessis a éclaté, la société était déjà en voie de sécularisation. En Irlande, on est tombé de plus haut. Comme le roman commence par la découverte de la décapitation du père Joyce, cette dimension religieuse servira de toile de fond à l'enquête de Jack Taylor. On se croirait revenu dans le Québec des années 60 : rares sont les femmes autonomes, les religieuses sont au service des prêtres, les hommes les plus brutaux vont à la messe, la vie quotidienne est encore hantée par la présence continuelle des habitudes et des rites religieux. Comme Jack le déplore à propos de sa mère : Chaque veuve a besoin d'avoir son prêtre! Les serveurs, au restaurant, n'osent pas interdire aux prêtres de fumer. Et pourtant, l'érosion se poursuit.

D'où probablement cette culpabilité et ce besoin d'autopunition qui contaminaient la vie de Jack, bien avant la catastrophe qui lui a valu de se retrouver dans un hôpital psychiatrique, où a débuté sa désintoxication à l'alcool puis, un peu plus tard, à la cigarette.

C'est Jack qui nous raconte l'histoire, un peu comme s'il écrivait ses mémoires, ou mieux comme s'il nous écrivait une lettre, commentant continuellement les événements ou ses états d'âme. Un apitoiement certain sur lui-même, la plupart du temps avec un certain sourire, mais toujours un sourire jaune. Le conseil qu'un journaliste donne à Jack, qui lui demandait s'il devait faire confiance à Cody, donne une idée du monde dans lequel l'enquête se développe : Si tu veux avoir quelqu'un en qui tu puisses avoir confiance, trouve-toi un gentil petit chiot et donne-lui une raclée de tous les diables. Il ne t'aimera pas, mais tu pourras compter sur lui les yeux fermés (p. 176).

En fait, l'enjeu qui domine cette histoire, c'est moins de découvrir qui a tué le prêtre et pourquoi que de savoir si Jack recommencera à boire et à fumer. Là sont ses véritables adversaires. C'est le genre de polars où il est important de trouver attachant ou fascinant le détective. Et Bruen, amateur de romans noirs américains, nous dépeint un Taylor de série noire comme une loque humaine en voie d'humanisation mais dont la route est encore longue, habitée par une rage qui le détruit de l'intérieur, vraiment pas sympathique, antisociable. Ça n'enlève rien à ses commentaires intéressants sur l'Irlande ou sur les Irlandais, mais le lire trop longtemps risque de produire un effet démoralisant.

Par contre, c'est bien écrit, et les amateurs de détectives mal foutus, loosers, solitaires, tordus, qui traversent la vie comme un calvaire, seront bien servis.

Ma note: 3,5 / 5

R&B Vixen
La main droite du diable