Jodi Compton

La 37e heure
Les jeux sont faits

La 37e heure

NOTE: le lien renvoie vers la fiche d'éditeur ou un résumé critique sur le Web.

Publication Auteur Titre Genre
Note
2004/2007f
Jodi Compton La 37e heure Procédure policière
3,5

À mon avis

L'intrigue démarre très lentement, l'auteure prenant le temps de nous faire connaître le monde de son héroïne, la policière Sarah Pribek. Cela se présente comme la chronique d'un poste de police et d'une famille, mais on finit par embrayer enfin sur la disparition du mari de Sarah. Cette disparition inexpliquée est l'épine dorsale du roman, mais l'enquête, très classique, est fréquemment interrompue pour remonter dans la carrière et même l'enfance des principaux personnages. On a affaire à un roman à mi-chemin entre le police procedural et le roman psychologique et familial.

Premier livre de l'auteure qui annonce une série dont le second roman est déjà paru en anglais (Sympathy Between Humans), ce roman vaut par ses personnages, complexes à souhait et plutôt attachants, étudiés en profondeur par petites touches et en flashbacks. Le rythme est donc très lent et, même si l'intrigue est correctement assemblée, elle est à la limite du prétexte. L'enquête policière révélant les sombres secrets de famille des personnages où des événements du lointain passé viennent expliquer les crimes présents est une mode qui se répand très largement dans le polar. Quand une telle intrigue n'est pas soutenue par des personnages exceptionnels ou un talent d'écriture remarquable, cela verse un peu dans le cliché. Pas mauvais, mais rien de mémorable non plus.

Note de janvier 2011: ce second roman est maintenant sorti en traduction: Les jeux sont faits (voir ci-dessous)


La 37e heure
Les jeux sont faits

Les jeux sont faits

JH (janvier 2011)

  • Date de publication : 2005 (Sympathy Between Humans).
  • Date de l'édition française: 2010 (Éditions des Deux-Terres, 382p)
  • Genre: polar psychologique.
  • Mots-clés: famille, compassion, devoir.
  • Personnage principal: Sarah Pribek, inspecteure de police à Minneapolis.
  • Quatrième de couverture: ici.

À mon avis

Ce roman est la suite de La 37e heure (voir ci-dessus). Et, fait rare dans le polar, entre le premier et le second roman de la série, il y a un saut quantique dans la qualité. Vers le haut. Nous tenons ici un grand roman.

Le titre original (Sympathy Between Humans) est beaucoup plus fidèle au contenu de l'oeuvre que le titre français (qui, comme c'est hélas souvent le cas, est n'importe quoi et a sans doute été choisi par un tâcheron quelconque qui n'a probablement pas lu le roman). Car, ce roman est essentiellement, à travers le parcours de la policière Sarah Pribek, une exploration de la compassion, sentiment à la fois noble et complexe, qui conduit parfois à franchir des limites que la loi n'admet pas et produit parfois des résultats à l'opposé des intentions.

La lecture de La 37e heure n'est pas un préalable indispensable à la compréhension de celui-ci. Même si les références sont nombreuses à l'intrigue précédente et qu'elles constituent l'une des trois trames romanesques entrelacées qui composent Les jeux sont faits, l'auteure prend soin de résumer correctement son précédent roman, suffisammment en tous cas pour ne pas hypothéquer la lecture du second.

Le style de Compton semble s'affirmer. Comme dans son premier roman, l'intrigue proprement policière, même si elle est correcte, prend une place secondaire et est plutôt un prétexte à une étude en profondeur de la psychologie des personnages. Mais, cette fois, c'est fait avec grand talent, avec des personnages profondément attachants, minutieusement ciselés. Sarah elle-même, bien sûr, qu'on découvre à petites touches même si c'est la narratrice; mais aussi Cicero, le paraplégique, ancien médecin radié qui continue à pratiquer illégalement pour aider les gens d'un quartier défavorisé; et surtout Marlinchen, jeune fille de 18 ans que le sort a placé en charge de ses frères plus jeunes et qui fait face à des responsabilités que même son père n'a pas réussi à assumer. Et les personnages secondaires sont eux aussi brillamment campés, avec une écriture fluide et naturelle qui est la marque d'un grand écrivain.

L'intrigue progresse lentement, bifurquant souvent vers des sous-trames et des anecdotes secondaires, mais cette fois, on se s'ennuie pas un seul instant, tant les détails sont justes et bien trouvés, tant l'apprivoisement des personnages qui développent peu à peu une sympathie entre humains est bien développé. La sensibilité est toute féminine, mais on est loin de la chick lit et du romance. Au lieu des sentiments convenus, on trouve des doutes et des malentendus bien humains, des dilemmes moraux, et une réflexion sur la solidarité, l'égoïsme, la loyauté, la culpabilité, les valeurs familiales, bref, des questionnements qui vous hantent encore bien après avoir refermé la dernière page. Si vous attendez des fausses pistes et des retournements spectaculaires, passez votre chemin. Sous l'angle strictement polar, ce roman est assez mince. Mais si vous êtes sensibles à la capacité d'un romancier de faire vivre de façon bouleversante des personnages crédibles, complexes et attachants, alors, précipitez-vous. Cette fois, Compton a été inspirée.

Ma note: 4,5 / 5

La 37e heure
Les jeux sont faits