Martin Cruz Smith

Havana Bay
Tokyo Station

Havana Bay

MD (juin 2009)

En un coup d'oeil
  • Date de publication originale: 1999 (Havana Bay)
  • Date de l'édition française: 2000 (Robert Laffont, 366 p.)
  • Genres: procédure policière, suspense
  • Mots-clés: société cubaine, machette, complot
  • Personnage principal: Arkady Renko, enquêteur (Bureau du procureur de Moscou)
  • Résumé: ici.

À mon avis

J'avais eu beaucoup de plaisir à lire Parc Gorki dans les années 80. Pas étonnant que le Time Magazine l'eût classé comme l'un des meilleurs thrillers de cette époque. Après l'avoir perdu de vue pendant plusieurs années, j'ai retrouvé Martin Cruz Smith dernièrement : Havana Bay ( qui se mérita le Prix Dashiell Hammett en 2000). Né en 42, Smith a publié plus de 30 romans, dont 6 dans la série des enquêtes d'Arcady Renko, ce détective-policier russe qui survit comme il peut dans un monde qui se décompose-recompose à un rythme difficile à suivre.

Havana Bay se passe à Cuba, comme le nom l'indique, où l'effondrement du bloc soviétique et la réorganisation du domaine politique et économique se font cruellement sentir. Laissée à elle-même, étouffée par les États-Unis, la grande Île antillaise se débrouille comme elle peut entre le rêve américain interdit et le cauchemar soviétique qui a laissé des traces indélébiles (cliquez ici pour des polars dont l'action se passe à Cuba ou dont les personnages ont un lien avec Fidel Castro). Venu pour identifier le corps d'un concitoyen dont les affaires n'étaient pas claires, un policier russe n'est vraiment pas le bienvenu, surtout s'il entreprend de brasser la merde. Sur fond de paysages dont la beauté coupe le souffle, au son d'une musique partout présente au rythme envoûtant et aux mélodies nostalgiques (les parents de Smith sont musiciens), sous un soleil de plomb qui laisse peu de répit, Arkady Renko se faufile entre les jeunes prostituées, s'égare parmi les magouilleurs de toute espèce, se méfie d'un sergent cubain à la machette facile, et finit par ne plus savoir s'il cherche à démontrer un crime passé ou à empêcher une catastrophe imminente. Jamais auparavant Arkady n'était tombé sur une telle diversité de personnes et d'événements absolument sans rapport les uns avec les autres : des hommes dans des chambres à air, des Américains en cavale, un fou venant de l'Oriente, une ballerine, des ossements chinois et des chihuahas.

D'abord, ce que j'ai bien aimé c'est qu'on nous raconte une bonne histoire, ce qui nécessite des personnages bien dessinés (il y en a beaucoup, mais la différence est assez nette entre les importants et les secondaires), un décor agréable et des éclairages subtils, une intrigue substantielle et un enquêteur remarquable, ce qui ne signifie pas spectaculaire. Renko a de l'expérience mais n'a rien d'un surhomme. Sa force lui vient d'un sens de la fatalité bien slave, renforcée ici par la mort bête, récente, de sa femme bien-aimée. Il déjoue ainsi, malgré lui, ses adversaires qui prennent pour acquis qu'il tient à la vie et qu'il agira en conséquence. Comme il dit quelque part : Si ça m'est égal qu'une voiture me renverse, ça m'ennuie vraiment qu'un chauffeur essaie de le faire. Fataliste, mais proactif.

Puis, une énigme classique : ce corps en décomposition est-il celui de Pribdula ou d'un autre; la mort est-elle naturelle, accidentelle ou criminelle? Si Renko ne cherche à savoir que ça, pourquoi tenter de l'assassiner? Ce qui nous déconcerte encore davantage, c'est moins le double meurtre qui va constituer une sorte d'intrigue parallèle que l'univers lui-même dans lequel nous sommes introduits, en même temps que Renko, et où la logique et les repères habituels semblent si différents. Même la jolie policière communiste pure et assez dure qui cherche à l'aider, semble-t-il, carbure à la magie autant qu'à la raison.

Smith commence par s'imprégner du pays et de la société où ses personnages devront vivre : il a vécu en Russie avant Parc Gorki, à Cuba avant Havana Bay, comme il vivra au Japon avant Tokyo Station. Dans sa description du contexte et des personnages, il insiste plus sur les différences que sur les ressemblances, ce qui suppose une grande maîtrise de son sujet et, surtout, ce qui ajoute au dépaysement du lecteur. Dans un pays étranger, on peut toujours trouver un interprète, mais ça peut prendre du temps avant de comprendre les coutumes, les rites et les routines habituelles; ce qui motive les attachements et justifie les inimitiés. Même le lecteur québécois, qui s'imagine assez bien connaître Cuba, est progressivement envahi par un sentiment d'étrangeté, qui nous met sur le même pied que Renko.

Le rythme est assez lent, ce qui est probablement nécessaire pour pouvoir camper le décor aussi minutieusement. Ce n'est pas un défaut, c'est un style. Le souci historique, géographique et sociologique de Cruz, loin de renvoyer l'intrigue au second plan, lui donne du relief et de la crédibilité. Un peu comme chez John Le Carré. Cependant, ce roman n'intéressera pas les gens pressés, les amateurs de tortures, les adorateurs de héros, et encore moins les lecteurs qui ont besoin de penser en termes de blanc ou noir.

Ma note: 4/5


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MD (juin 2009)

En un coup d'oeil

À mon avis

Ce roman ne fait pas partie de la série des Arcady Renko. Pas facile à classer, d'autant moins que je n'ai pas été capable de le terminer.

Nous sommes à Tokyo, quelques jours avant l'attaque de Pearl Harbor. Harry Niles, fils de missionnaires américains venus au Japon dans les années 20 pour convertir les égarés, élevé à la Japonaise et se sentant plus Japonais qu'Américain, souhaite éviter que son pays d'adoption entre en guerre. Le 6 décembre, c'est deux jours avant Pearl Harbor. Quand les États-Unis réagissent à l'attaque, il devient poursuivi par les deux camps, tout autant que par sa maîtresse japonaise jalouse et un vieux guerrier-samouraï qu'il a humilié jadis. Comment s'en sortira-t-il?

Pour un auteur qui accorde autant d'importance à la description socioculturelle d'une société, la thématique est intéressante, un peu comme la série des Reavley d'Anne Perry, qui commence en Angleterre en 1913. Dans les deux cas, à quoi ressemble une société et un peuple à la veille d'une grande guerre? Comment sont traités les étrangers, surtout s'ils appartiennent à un pays éventuellement ennemi? Est-ce qu'on sent une guerre approcher, comme un orage?

J'ai l'impression que ces questions ont fasciné Martin Cruz Smith. Laissant son enquêteur Renko de côté, ça lui donnait plus de marge de manœuvre. Et c'est certain qu'il a un rare talent pour faire sentir une vision, mieux une impression du monde à travers la description des faits et gestes de quelques personnages-clés. Or, dans ce livre-ci, les personnages se multiplient; l'extension dans le temps et dans l'espace (la guerre contre la Chine) ajoute à la complexité; les facettes de l'intrigue se multiplient; Harry s'y perd un peu et le lecteur aussi. A la moitié du livre, j'ai abandonné. Non pas que le livre soit mauvais en soi; mais c'est un genre littéraire particulier qui traite d'un sujet original pour lequel je n'ai pas d'intérêt immédiat.

Ma note: Évaluation non pertinente