Arnaldur Indridason

La voix
Hiver arctique
Hypothermie
La rivière noire

La voix

JH (novembre 08)

En un coup d'oeil


À mon avis

Pour un résumé de l'intrigue, une critique enthousiaste et un dossier complet sur l'auteur, voir Evene.fr.

Coup de coeur chez Renaud-Bray, Grand prix de littérature policière 2007, recommandations enthousiastes: de quoi me décider à aller faire un tour sur les plates-bandes de mon copain Michel: le polar nordique.

Ça se passe quelques jours avant Noël, il fait noir en Islande et il fait encore plus noir dans le roman. Familles dysfonctionnelles, enfances ruinées durablement par les faiblesses des parents, souffrance des marginaux exclus de la société, on baigne dans la déprime totale. Sur le plan strictement policier, l'intrigue est simple et se présente de façon classique, comme dans les romans à énigme: un homme est déjà mort au début du roman, les supects sont nombreux et on suit de nombreuses pistes avant d'identifier, à la toute fin, l'assassin et son mobile. Le tout se passe dans le cadre clos d'un grand hôtel, où choisit même de séjourner Erlendur pour toute la durée de l'enquête.

À l'enquête principale, qui fait ressurgir du passé, brin par brin, la vie triste et touchante de la victime et de ses proches, se greffe une enquête secondaire sans rapport avec la première (une histoire d'enfant battu) ainsi que les problèmes existentiels du commissaire Erlendur, flic blessé, à la vie personnelle ratée, qui essaie de se raccrocher aux rares points d'ancrage qui lui restent: son travail, sa fille qu'il essaie d'aider à sortir d'un monde de drogue et de prostitution, et le début timide d'une amitié féminine.

L'intrigue policière proprement dite est assez banale et son dénouement n'a rien du coup de théâtre: le criminel n'est rien de plus que l'un des nombreux suspects sur lesquels on s'attarde tour à tour.. Les fausses pistes successives servent surtout à éclairer la psychologie des divers personnages et à ramener des événements de leur enfance et de leur vie familiale. Malgré l'unité de lieu de de temps de l'enquête elle-même (le même hôtel, pendant sept jours consécutifs), les (trop) nombreux flashbacks viennent, par le passé des personnages ainsi évoqué, donner la densité psychologique que l'enquête seule n'a pas. Enquête qui, finalement, tâtonne, piétine et repose essentiellement sur les conversations avec les divers suspects. Elle n'a rien de mémorable et sa fonction principale est d'attacher autour d'un fil conducteur, les morceaux épars de ces vies éclatées. La narration est lente, froide, distanciée, rapportant sans discrimination, comme une caméra, aussi bien des détails insignifiants que des images très fortes. Avec une touche d'humour grinçant qui vient éclairer le climat autrement très noir de ce roman.

J'imagine que son grand succès s'explique par la pitié et la compassion que peuvent inspirer ces personnages, tous puckés par la vie, tous marginaux à un titre ou à un autre. Et probablement aussi par la mode du polar nordique qui déferle depuis quelques années sur l'édition française. Pas inintéressant, certes. Mais un Grand prix de littérature policière? Je ne comprends pas. Rien, en tous cas, pour me décider à lire bientôt les autres romans de ce très populaire auteur. Qui n'a absolument rien à voir avec le regretté Stieg Larsson, loin de là.

Ma note: 3/5


Lien externe:

Belle présentation de l'auteur et de son oeuvre sur le site de 813.


La voix
Hiver arctique
Hypothermie
La rivière noire

Hiver arctique

JH (mai 2009)


En un coup d'oeil


À mon avis

Après une expérience mitigée avec La voix (voir ci-dessus), j'ai décidé de donner une seconde chance à cet Indridason, qui fait l'objet d'un culte dans les blogues et chez les libraires et qui collectionne les prix. Je ne comprends toujours pas. Indridason réussit le tour de force d'écrire un roman où, entre la page 10 (où l'on découvre le corps du petit Elias, poignardé près de chez lui en revenant de l'école) et la page 305 (où l'enquête finit par débloquer), il ne se passe absolument rien!

Vous connaissez sans doute, comme tout le monde, des gens qui, quand ils vous racontent quelque chose, ne vous font grâce d'aucun détail et vous rapportent les conversations les plus insignifiantes au verbatim? C'est le truc privilégié ici par l'auteur. Le roman est une collection d'interrogatoires: la mère d'Élias, ses voisins de palier, son propriétaire, son ex, le directeur de l'école, ses professeurs, le concierge, ses camarades de classe et quelques cousins éloignés en prime. On leur pose à tous pratiquement les mêmes questions, inlassablement répétées, et ils fournissent pratiquement tous les mêmes réponses: non, ils n'ont rien vu ni rien entendu de particulier, non, ils ne se seraient jamais douté et c'est bien terrible, ce qui arrive et a-t-on une idée de qui a fait le coup? Indridason pousse même le bavardage au second degré: quand c'est Elinborg ou Sigurdur Oli qui a mené l'interrogatoire, non seulement a-t-on droit au mot à mot de l'entrevue, mais aussi au mot-à-mot d'Elinborg ou de Sigurdur Oli qui rapporte cette entrevue à Erlendur! Tous ces interrogatoires permettent de décrire une foule de personnages, mais n'aident aucunement une enquête qui, littéralement, stagne pendant pratiquement tout le roman et se résout presque par hasard à la toute fin.

Mais même avec toutes ces insupportables longueurs, l'auteur n'arrivait probablement pas au nombre de pages commandé par l'éditeur. Alors on rajoute une petite intrigue secondaire qui n'a aucun rapport avec la première; on ramène les difficultés de communication d'Erlendur avec ses enfants adultes et surtout sa fille Eva; et on ressasse une fois encore le traumatisme subi par Erlendur lorsque, enfant, il a perdu son petit frère égaré dans une tempête de neige.

Mais bon, vous saurez tout sur les difficultés d'intégration des immigrants thaïlandais en Islande et le racisme larvé de certaines franges de la société islandaise. Et, dans les blogues, il est de bon ton de rappeler Simenon et son amour des petites gens et la poésie du quotidien. Si c'est votre truc, peut-être ferez-vous partie des mordus d'Indridason. En ce qui me concerne, terminé!

Ma note: 2/5


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La voix
Hiver arctique
Hypothermie
La rivière noire

Hypothermie

MD (avril 2010)


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À mon avis

Dans le passé, j'avais lu avec un certain intérêt La cité des jarres et La femme en vert d'Indridason. Puis, j'ai eu l'impression que mon collègue avait été pas mal sévère avec lui à propos de La voix et de L'hiver arctique (j'avais lu le premier, dont je ne me souvenais plus tellement, mais pas le second). J'ai donc parcouru Hypothermie pour voir ça de plus près. Bon début : un apparent suicide dans une maison de campagne assez isolée sur le bord de la mer. Pas de signe de violence et l'autopsie ne révèle pas grand chose de compromettant. Par ailleurs, cette jeune femme était plutôt dépressive et semblait avoir hâte de revoir son père et sa mère dans l'au-delà. Erlendur enquête là-dessus de son propre chef; c'est prometteur parce qu'on se dit que c'est sûrement un meurtre déguisé en suicide, sans quoi on ne nous infligerait pas 300 pages pour nous confirmer que c'était bien un suicide et, donc, qu'il n'y avait rien là.

Par ailleurs, on n'entend pas parler de son frère disparu pendant une centaine de pages et sa fille, Eva, ne menace ni de se suicider ni de sniffer une couple de lignes. Agréable contrepoint, au contraire, entre l'enquête actuelle et les derniers jours de Maria. Aurions-nous affaire à un genre de renouvellement? Pas vraiment. Le supposé suicide de Maria nous renvoie à la mort de sa mère il y a deux ans, qui semble avoir un rapport avec la mort de son père il y a vingt ans. Donc, nous voici repartis vers le passé. De plus, Erlendur collectionne les disparitions sur lesquelles il enquête en même temps : il y a 30 ans, la jeune Gudrun, qui aimait les lacs, est portée disparue; il y a longtemps, à Njardvik, un jeune homme qui aimait l'alcool, est disparu aussi sans laisser de trace; le père de Maria a sombré dans un lac il y a un peu plus de 20 ans; il y a 30 ans, le fils d'un homme qui rend visite chaque année à Erlendur et qui est maintenant au seuil de la mort est apparemment parti sans dire un mot; et, pour revenir à notre affaire de la supposée pendue, son mari a connu Tryggvi au temps de l'Université...

Bon, certaines de ces affaires sont élucidées, d'autres pas; de toutes façons, ça nous est pas mal égal et ne sert qu'à souligner les obsessions d'Erlendur, victime à 10 ans de la disparition de son petit frère. Ce souvenir, finalement, continue à le hanter. Sa fille aussi, toujours aussi chiante. Mais Erlendur n'est vraiment pas attachant non plus : c'est un malade, tellement rempli de lui-même qu'il ne s'intéresse à rien d'autre qu'à ses propres enquêtes dans le but de trouver un bon nombre de disparus, ce qui finirait peut-être par apaiser sa culpabilité par rapport à son frère. Pas très brillant, sans doute, et c'est probablement pourquoi l'auteur s'efforce de lui fournir d'énormes hasards qui permettent à ses affaires d'avancer. Dans ce cas-ci, ça ne donne pas grand chose; faut dire qu'il utilise une stratégie débile avec les suspects. Tout ce qu'il parvient à faire c'est, à cause d'une compulsion stérile, d'éviter à une personne qu'il aime bien la joie de mourir en paix.

Du côté des polars islandais, on parle aussi, de ce temps-ci, de Stefansson et de Thorarinsson.

Ma note: 3/5


La voix
Hiver arctique
Hypothermie
La rivière noire

La rivière noire

MD (avril 2011)


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À mon avis

Nous avons déjà parcouru plusieurs Indridason avec un inégal bonheur. Jacques et moi avons fini par décider de l'oublier. Mais j'ai reçu en cadeau le dernier, La rivière noire, et je me suis dit pourquoi pas?

La réponse est maintenant claire et simple : parce qu'il y a tellement de bons romans ailleurs. Dès le départ, j'avais été encouragé du fait que Erlendur, qui a pour effet de me déprimer, passait ses vacances dans les fjords de l'Est de l'Islande et que, donc, l'enquête serait menée par l'inspectrice Elinborg, habituellement à l'arrière-plan. Cette fois-ci c'est Sigurdur Oli qui sert de faire-valoir : chacune de ses interventions tourne plutôt mal. Pour faire valoir Elinborg, il ne faut pas être trop brillant!

Comme l'auteur exprime un parti pris réaliste, on peut ne pas trop lui reprocher de reproduire la banalité de la capitale, l'intelligence moyenne des forces de l'ordre, la platitude des personnages, le piétinement de l'enquête, l'habileté fort limitée des talents culinaires de l'inspectrice et de son art de l'interrogatoire, ses intuitions banales, sans parler de l'insignifiance de son mari. On en apprend plus sur sa vie de famille que sur la façon de relier les différents aspects de l'enquête, ce qui n'exige pourtant pas ici un cours classique.

On peut raconter brillamment une histoire plate, comme on peut peindre remarquablement un sujet banal en soi. Ici, on dirait que la banalité du sujet contamine l'écriture sans éclat d'une histoire prévisible. Indridason préfère la miniature à la grande fresque, ce qui se défend, à condition que le contenu de la miniature ait un certain intérêt.

Ce n'est pas le cas; j'ai trouvé plus palpitante la biographie de Sibelius de Guy Rickards.

Ma note: 2,5 / 5