Jean Lemieux

On finit toujours par payer
La lune rouge

On finit toujours par payer

MD (janvier 2012)


En un coup d'oeil

  • Date de publication originale : 2003.
  • Réédition: 2009 (La Courte Échelle, 303p)
  • Genre: enquête policière.
  • Mots-clés: meurtres, drogues, vie quotidienne aux Iles-de-la-Madeleine.
  • Personnage principal: sergent-détective André Surprenant (SQ).
  • Résumé: ici.
  • Carte des îles et historique: sur Wikipédia.

À mon avis

Ah! Quel roman agréable! Ce que Louise Penny aimerait faire dans un petit village des Cantons de l'Est, Jean Lemieux le réussit parfaitement aux Iles-de-la-Madeleine. Pas trop de personnages et la plupart bien définis, même la victime. Un cadre bien décrit, sans qu'il s'agisse d'un polar géographique mais, au moins, l'action n'a pas l'air d'avoir lieu sur n'importe quelle planète et dans n'importe quel coin du pays. Même le langage des descendants acadiens des Iles est bien rendu par l'auteur, de même que leur habitude de laisser la porte de la maison débarrée et les clés dans l'auto sauf que, avec l'afflux des touristes, bien des manies commencent à changer : le mal vient toujours de l'extérieur! Et puis, un détective bien calibré : ni génial, ni débile; ni super héros ni loser; ni débordant de bonheur ni croupissant dans la noirceur. Un gars bien ordinaire, avec une vie de famille affadie par les ans mais où il conserve un assez bon rapport de complicité avec son fils. Travailleur consciencieux apprécié de son équipe.

Le plus important, c'est évidemment l'histoire. Or, Lemieux sait raconter une histoire policière. Ça commence tout simplement par une combinaison meurtre-viol apparemment banale, sauf pour les coquillages qui ornent le corps de la jeune fille (fille du maire de Havre-aux-Maisons, par ailleurs). Le motif n'est cependant pas clair et les circonstances demeurent mystérieuses, parce que l'assassin n'a pas eu grand temps à sa disposition et qu'il a dû prendre des risques plutôt incompréhensibles en transportant la jeune victime sur le chemin Boudreau dans un lieu où on ne manquerait pas de la découvrir assez rapidement. Trop compliqué pour un deal de drogues ou pour un défoulement sexuel.

Heureusement (?!), arrive du continent le lieutenant-détective Denis Gingras, autoritaire et désagréable au possible, qui cerne rapidement un suspect et s'acharne sur lui en discréditant le travail de Surprenant et de son équipe. Motivation supplémentaire pour eux qui, en poussant plus loin l'enquête, mettent à jour plusieurs aspects inattendus jusqu'au coup de théâtre final.

Écriture facile, humour en passant (Les Madelinots semblaient s'être donné le mot pour ne pas déranger les policiers un jour de meurtre.), attention aux détails (un tchaude au flétan avec un chablis, c'est un bon point de départ), et un bon sens psychologique sans prétention (décrivant son italienne de femme, par exemple : Chez elle, la jalousie et l'amour étaient un seul et même sentiment, qui concernait aussi bien les événements, les objets que les personnes).

Médecin aux Iles-de-la-Madeleine pendant plusieurs années, Lemieux a publié un road runner en 2000 (La marche du fou) et une première enquête de Surprenant, La Lune rouge, en 1991, réédité en livre de poche en 2009. On finit toujours par payer (Prix Arthur Ellis 2004 et Prix de Saint-Pacôme 2003) sera porté à l'écran sous le nom de La Peur de l'eau, réalisation de Gabriel Pelletier, fin janvier 2012.

Le scénario ne reproduit pas scrupuleusement l'intrigue du livre (des ajouts pas nécessairement heureux, et un jeu d'acteurs apparemment quelconque, mais de belles images, si je me fie à la bande annonce).

Un conseil : commencez donc par lire cet excellent roman.

Ma note: 4.5 / 5 et Coup de coeur.


On finit toujours par payer
La lune rouge

La lune rouge

MD (juillet 2012)


En un coup d'oeil

  • Date de publication originale : 1991 (Québec Amérique).
  • Date de republication: 2009 (La courte échelle, 260p.)
  • Genre: enquête et thriller.
  • Mots-clés: meurtres ou suicides, huis clos (Ile d'Entrée), Québec.
  • Personnages principaux : François Robidoux, médecin; Cyril Moreau, sergent à la Sûreté du Québec.

À mon avis

Quand ce roman a été publié la première fois, il est plutôt passé inaperçu du grand public, même si plusieurs critiques lui avaient été favorables et qu'il avait été traduit en anglais en 94. Pour ma part, je m'y suis intéressé après avoir été séduit par On finit toujours par payer et en projetant un voyage aux Iles de la Madeleine où se situe l'action. Plus précisément, l'enquête se déroule sur l'Ile d'Entrée, seule île isolée des autres, à une heure de traversier, qui fait le parcours deux fois par jour…quand le temps le permet. Dans La lune rouge, le temps ne le permet justement pas, la tempête fait rage; deux cadavres de femme sont découverts au bas d'une falaise deux jours de suite, peut-être des suicides, plus probablement des meurtres, et personne parmi la centaine d'habitants de l'Ile ne peut quitter les lieux. Il s'agit donc d'une sorte de huis-clos où le nombre de suspects est réduit. Étrangement, l'enquêteur malgré lui, le docteur Robidoux, semble être le principal suspect.

Les remontées dans le temps m'énervent un peu car elles s'apparentent souvent à un vieux truc pour compliquer le déroulement de l'action autrement simpliste. Dans ce cas-ci, c'est une façon pertinente de donner de l'épaisseur aux principaux personnages et de livrer quelques indices au lecteur sur lesquels le sergent Moreau et Robidoux finiront par mettre la main. Plusieurs insulaires ont des motifs, un peu minces il est vrai, pour tuer l'une ou l'autre des deux femmes, et rien ne semble d'ailleurs relier les deux meurtres (si meurtres il y a). Les fausses pistes ne manquent pas. Le maladroit docteur Robidoux aimerait bien oublier tout ça mais, comme tout l'accuse, il doit se démener pour comprendre le sens des événements et, surtout, le démontrer.

C'est bien écrit et ça se lit bien. Le cadre est moins propre aux Iles de la Madeleine que dans On finit toujours par payer : l'Ile d'Entrée se résume à une falaise, un boisé, quelques maisons, et la pluie qui n'en finit plus et banalise le paysage. Ma principale réserve porte sur le double dénouement : un acte excessif plutôt inattendu; puis, l'apparition d'une sorte de deux ex machina donnant lieu à une révélation qui met fin abruptement à l'enquête.

Bref, une bonne histoire qui ne se termine pas en queue de poisson; plutôt en oreilles de lapin surgies d'un chapeau.

Ma note: 4/5

On finit toujours par payer
La lune rouge