John Verdon

658
N'ouvre pas les yeux

658

JH (novembre 2011)


En un coup d'oeil

  • Date de publication : 2010 (Think of a Number).
  • Date de l'édition française: 2011 (Grasset, 441p)
  • Genre: suspense, roman à énigme.
  • Mots-clés: meurtres rituels, énigmes, impossibilités.
  • Personnage principal: Dave Gurney, inspecteur retraité du NYPD.
  • Résumés et commentaires: ici et là.
  • Le site officiel du livre (en français).

À mon avis

John Verdon, ancien cadre de prestigieuses agences de publicité de Manhattan, signe ici son premier roman. En fait, il en a publié récemment un autre (Shut Your Eyes Tight), mais la version française devra évidemment attendre un peu. Quant à moi, je vais m'y coller de ce pas, car son premier roman est une réussite absolue et les critiques américains disent autant de bien de son second.

658 réussit le tour de force de réconcilier le bon vieux roman à énigme, façon Agatha Christie, avec les codes modernes du roman à suspense. Une scène de crime aussi déroutante que les crimes impossibles de John Dickson Carr; un tueur en série implacable, supérieurement intelligent et qui ne commet pas d'erreurs; et un enquêteur qui raisonne aussi rigoureusement qu'Ellery Queen, mais avec combien plus d'épaisseur psychologique!

L'écriture est fluide et efficace, s'effaçant derrière une intrigue qui se déploie comme une mécanique bien huilée. Les personnages secondaires frisent parfois la caricature, mais c'est plus que compensé par le soin apporté à fouiller la psychologie des protagonistes, tout particulièrement Dave Gurney. Un personnage qui a d'abord le mérite de n'être pas alcoolique (ce qui est rare dans les modes actuelles!), d'une intelligence acérée, mais sans le pédantisme des Poirot ou des Lincoln Rhyme, fragile par ses tensions intérieures et pas totalement sympathique, mais complexe et finalement attachant.

Quant aux énigmes diaboliques montées par le criminel comme un défi ouvert à la police, elles sont finalement tout aussi brillamment résolues en fin de course et, de surcroît, à la loyale: sans invraisemblances et sans couleuvres à avaler.

Précipitez-vous! Un polar aussi réussi est un phénomène rare. Même un auteur aussi intelligent que Jeffery Deaver (la comparaison vient immédiatement à l'esprit) a mis des années à arriver à ce niveau de maîtrise. Bon, je vous laisse pour m'en aller lire Shut Your Eyes Tight, la deuxième enquête de Dave Gurney. Surveillez sa sortie en français quelque part l'an prochain (Note de 2012: c'est maintenant fait - voir ci-dessous).

Ma note: 5 / 5 et Coup de coeur.

658
N'ouvre pas les yeux

N'ouvre pas les yeux

JH (novembre 2011, actualisé juin 2012 pour la traduction).

Comme promis, j'ai lu ce second roman (en anglais) dans la foulée de 658 ci-dessus.. Le voilà maintenant traduit en français, chez Grasset toujours. Vous en avez un bon résumé sur Les polars de Marine.

À mon avism c'est encore un roman solide. Mêmes personnages (du moins, les gentils!), même crime "impossible" et un autre criminel trop intelligent pour les flics ordinaires et que seul Gurney, Ellery Queen des temps modernes, arrivera à débusquer sur le tard. À recommander, sans hésitation, et Verdon s'annonce un futur acteur majeur dans le domaine du polar à énigme et de procédure policière ... s'il réussit à tenir la distance.

Car après la réussite absolue de 658, on ne peut que redescendre, ce qui est le cas avec ce second roman. Comparé au précédent, les imperfections (mineures, somme toute) apparaissent. L'énigme est moins spectaculaire, moins resserrée dans le temps et dans l'espace; les personnages sont plus nombreux et l'intrigue part dans un plus grand nombre de directions (ou fausses pistes), ce qui lui donne une plus grande complexité mais lui enlève la pureté cristalline de 658.

Quant aux personnages (protagonistes et policiers) du premier roman, on les retrouve tels quels dans le second. Malgré quelques longueurs introspectives, on n'apprend plus rien sur eux. Une fois campés dans 658, ils n'évoluent plus. Les difficultés de communication affective de Gurney et la position passive-agressive de sa femme n'ayant plus l'attrait de la nouveauté, ces pages, pourtant écrites avec talent, donnent une impression de redondance davantage qu'une épaisseur supplémentaire à une psychologie qui semble figée une fois pour toutes.

Mais, malgré ces réserves, ce roman demeure bien au-dessus de la médiocrité du tout-venant du polar.

Ma note: 4,5 / 5

658
N'ouvre pas les yeux