Le club des polarophiles québécois

Les neuf dragons (de Michael Connelly)

JH (mai 2011)

Note: ceci une mise à jour, suite à la parution de la traduction française, de ma critique originale de la version originale en anglais, d'octobre 2009.


En un coup d'oeil

  • Date de publication originale: 2009
  • Date de l'édition française: mai 2011 (Seuil).
  • Genre: procédure policière.
  • Mots-clés: enlèvement, triades chinoises, Hong-Kong.
  • Personnage principal: Harry Bosch, détective au LAPD.
  • Série: 14e roman mettant en vedette l'increvable Harry Bosch, le héros fétiche de Connelly.
  • Résumé et critique: ici.

À mon avis

Tout juste traduit en français, Les neuf dragons est, selon moi, l'un des meilleurs Harry Bosch.

Très resserrée dans le temps (quelques jours tout au plus), l'intrigue se déploie en trois actes. Premier acte: Bosch enquête sur le meurtre d'un propriétaire de dépanneur chinois dans un quartier pauvre de Los Angeles. Mais ce qui s'annonce comme une enquête assez classique s'avère avoir un lien avec les triades chinoises de Hong-Kong: ayant ignoré un avertissement de laisser tomber, Bosch apprend l'enlèvement de sa fille - qu'il connaît peu, puisqu'elle vit avec son ex à Hong Kong, mais auquel il tient comme à la prunelle de ses yeux. Deuxième acte: Bosch débarque à Hong Kong en franc-tireur, à l'insu de la police locale, aidé seulement de son ex et du nouveau copain de celle-ci et n'ayant qu'un maigre indice sur une photo pour découvrir l'aiguille au milieu de la botte de foin que constitue la mégalopole. Dernier acte: retour à Los Angeles avec sa fille (eh oui, vous devinez bien qu'il l'a retrouvée!) et nouvel éclairage inattendu sur les deux premiers actes - alors que pourtant aucun événement nouveau ne survient.

Alors que le premier acte démarre lentement et qu'on s'y retrouve comme dans de vieilles pantoufles, le second nous fait découvrir Bosch sous un nouveau jour. Tout d'abord parce qu'il oeuvre en solo et non pas au sein de l'habituelle machine policière; et ensuite parce que c'est le père, bien plus que le détective, qui agit, puissamment animé par un mélange d'amour paternel et de sentiment de culpabilité. Le dernier acte, quant à lui, est un sommet de l'art de Connelly: alors que l'on croirait qu'il ne s'agit que d'un épilogue après que l'intrigue principale ait été bouclée, un tout petit détail force Bosch à tout revoir depuis le début. Et les fils pendants qu'on avait à peine remarqués au cours du roman sont tous attachés par des noeuds inattendus avec une minutie de virtuose.

On retrouve dans ce roman superbement architecturé l'efficacité d'écrivain de Connelly. Même si presque la moitié du roman se situe à Hong-Kong, il résiste à la tentation hélas trop courante du grand reporter déguisant un reportage en roman: il n'y a d'exotisme que ce qui est nécessaire pour rendre l'intrigue crédible et la faire progresser. Et même si on nous dévoile des aspects moins connus de la psychologie et des sentiments de Bosch, c'est fait avec la retenue, voire la pudeur, d'une écriture froide et distanciée. Quant à l'intrigue elle-même, elle est dépouillée de tout artifice, s'appuyant sur des petits détails qui se révèlent essentiels par la suite, renonçant aux rebondissements faciles pour suivre plutôt la logique implacable du puzzle dont les pièces interchangeables sont difficiles à mettre en place correctement - mais qui n'admet pourtant qu'une seule solution. Seule coquetterie, habituelle chez Connelly: une brève apparition de Mickey Haller (demi-frère de Bosch et héros de deux autres romans) et une allusion à Jack McEvoy (le journaliste lui aussi héros de deux autres romans).

Du grand Connelly, à mon avis, même si, en général et pour des raisons que je ne comprends pas trop, les blogueurs français ont plutôt massacré ce roman, soyez prévenus.

Ma note: 5 /5 et Coup de coeur