Le club des polarophiles québécois

Ange de la mort (de Caroline Graham)

MD (août 2010)


En un coup d'oeil

  • Date de publication originale: 1996 (Faithfull unto death)
  • Date de l'édition française: 2001 (Pygmalion, 388 p.)
  • Genre(s): procédure policière, thriller.
  • Mots-clés: enlèvement ou fugue, suicide ou meurtre.
  • Personnages principaux: inspecteur-chef Tom Barnaby, sergent Gavin Troy.
  • Résumé: ici
  • Bio-bibliographie:
  • Télésérie: ici.

À mon avis

Mon premier projet fut de commenter l'excellente série télévisée, d'autant plus qu'elle passe maintenant sur Séries+ (Inspecteur Barnaby, joué impeccablement par le sympathique comédien John Nettles) et qu'on peut la capter aussi sur le net .

Auparavant, je la suivais sur Canal Book; malgré la difficulté du texte, la qualité des épisodes sautait aux yeux : excellents comédiens (y compris dans les rôles secondaires souvent confiés à des artistes très connus en Angleterre); habiles scénarios qui se terminent souvent par un rebondissement imprévisible; vifs contrastes entre l'horreur des crimes et la sereine campagne anglaise; musique irrésistible de Jim Parker qui, parfois ironique, parfois tragique, accompagne avec justesse chaque phase du déroulement dramatique. C'est le genre d'émissions rares dont on a l'impression de sortir plus intelligent, en tout cas bienheureux.

J'avais un peu renoncé à trouver des romans de Caroline Graham, dont les 5 premiers romans (le premier Barnaby a été écrit en 1987 et le septième en 2004) ont donné lieu aux 5 premiers épisodes, alors que les 65 autres épisodes (à date) proviennent de scénarios originaux dûment inspirés des romans de Graham. Puis, un peu par hasard, je suis tombé sur cet Ange de la mort : le bonheur!

Caroline Graham est née en Angleterre en 1931 et a attendu la quarantaine pour devenir écrivaine à plein temps (pour la radio et la télé); son premier roman date de 1982; le premier des 7 Barnaby en 87. On dit d'elle qu'elle a su transposer les romans policiers de l'Age d'Or à l'Age Moderne. Chose certaine : dans ce cas-ci la comparaison avec Agatha Christie s'impose. Reconstitution d'un petit village anglais, chaque famille, souvent réduite dans ce roman-ci à un couple âgé, parfaitement caractérisée en quelques pages; lieu public de relaxation et de commérages par excellence : le pub. Clarté et fluidité de l'écriture et composition classique : on a affaire à une auteure véritable. Rempli d'humour, mais mine de rien. Et deux personnages centraux : l'Inspecteur Barnaby, physiquement un peu différent du Barnaby de la série, mais pas sur l'essentiel : c'est le gars qui en a vu d'autres, sévère au travail, charmant en famille (mais un peu soupe au lait comme sa fille); et son assistant, le Sergent Troy, sympathique dans la série, un peu naïf et plein de bonne volonté; dans le roman, par contre, très antipathique, vaniteux et un peu paranoïaque, méchant même. J'ai l'impression que Graham a voulu montrer son évolution à force de côtoyer Barnaby mais, comme Ange de la mort est au milieu des sept romans, je ne puis pas dépasser l'hypothèse. Dans la série télévisée, nous avons eu droit à 3 assistants successifs, aux personnalités différentes, mais toujours assez sympathiques. C'est la seule grande infidélité aux romans, et elle est bienvenue.

L'essentiel, c'est le tricotage de l'intrigue. Pas de fla-fla ou d'effets spéciaux, pas de morts crucifiés dans une église ou pendus au bout d'une stalactite. Dans Faithfull unto death (qui correspond beaucoup mieux au contenu du roman que le titre traduit ), s'agit-il d'une fugue ou d'un enlèvement, puis d'un suicide ou d'un meurtre. Les données initiales sont simples. Et pourtant, on recherche, on interroge, des pièces du puzzle s'accumulent pêle-mêle; Barnaby aime ce moment où le brouillard tend à se dissiper. Et pourtant, il passe du brouillard à la brume épaisse. D'abord, on manque d'informations; normal! Puis, chaque information nous égare au lieu de nous aider : étonnant! Enfin, on croit découvrir la machinerie; encore faut-il la démontrer. On aime bien dans les Poirot ce moment où le grand détective rassemble tout le monde pour révéler la subtilité des engrenages; Barnaby agit de même mais au milieu de ses collègues au poste de Causton. L'Inspecteur ne se prend cependant pas pour un héros, connaît les limites de la justice des hommes, et compte sur son épouse, sa fille et quelques amis pour se remonter le moral, si l'enquête stagne ou que le dénouement le déçoit. Rien là de vraiment déprimant. Comme si ce qui comptait, au fond, c'était moins la rigueur du châtiment que l'élucidation du crime.

Ma note: 4,5 / 5