Le club des polarophiles québécois

Au-delà du mal (de Shane Stevens)

JH (août 2011)


En un coup d'oeil

  • Date de publication : 1979 (By Reason of Insanity).
  • Date de l'édition française: 2009 (Sonatine) / 2011 (Pocket, 889)
  • Genre: roman noir.
  • Mots-clés: meurtres en série, journalisme d'enquête.
  • Personnages principaux: Thomas Bishop, tueur en série; Adam Trenton, journaliste d'investigation au Newstimes.
  • Résumé et commentaire: ici.et .

À mon avis

Il faut d'abord faire l'impasse sur l'auteur: on ne sait rien de lui. Il a publié 5 romans et a disparu ensuite des écrans radar après 1985. Celui-ci est le premier traduit en français, plus de 30 ans après sa publication originale. Compte tenu du succès phénoménal remporté en France, les éditions Sonatine ont déjà publié L'heure des loups (un roman d'espionnage); les autres devraient suivre.

On a affaire à un roman ambitieux, dans la lignée de De sang froid, de Truman Capote: roman définitif sur le serial killer, mais aussi chronique d'une période de l'histoire récente des États-Unis. Tout part de l'histoire (véridique) de Caryl Chessman, violeur en série des années 50, rendu célèbre par son combat contre sa condamnation à mort, survenue en 1960. Le romancier fait l'hypothèse que ces viols en série ont donné naissance à une progéniture: Thomas Bishop, le personnage principal de ce livre.

Interné dès l'âge de 10 ans en institution psychiatrique pour matricide, Bishop s'en évade une quinzaine d'années plus tard et, investi de la mission de poursuivre l'oeuvre de son père et animé d'une haine viscérale des femmes, traverse les États-Unis dans une cavale démentielle qui laisse des dizaines de cadavres dans son sillage. La police (et la mafia, mise à contribution) s'avèrent déjouées par les multiples changements d'apparence et d'identité du tueur et c'est un journaliste d'enquête, Trenton, qui va le traquer pendant toute la seconde moitié du livre. Seul, mais avec les moyens considérables mis à sa disposition par son journal.

L'auteur a du souffle, pour mener son enquête à travers cet énorme pavé de plus de 800 pages. Non seulement les personnages sont fouillés en profondeur (même les personnages secondaires - et il y en a une quantité!), mais, sur l'intrigue principale, on greffe de multiples intrigues secondaires qui permettent de traiter des aspects politiques de la peine de mort, des magouilles entourant la présidence de Nixon, de la concurrence entre la police et la presse. Ce sont ces greffes qui, à mon avis, sont plus ou moins réussies. Ce sont elles qui donnent de l'envergure et des prétentions sociales au roman, mais elles n'interagissent qu'assez peu avec l'intrigue principale.

Je ne suis pas spécialement amateur de serial killers (battus enfants par une mère abusive, évidemment!), mais je dois reconnaître que Stevens a probablement écrit là l'un des ouvrages canoniques sur ce thème. Le personnage est décrit de l'intérieur, mais avec une froideur presque documentaire, ce qui change des pages délirantes (en italiques!) des polars de grande série. Et Stevens tient le rythme. Malgré le soin apporté à la description des lieux (c'est aussi une forme de road novel) et des méthodes ingénieuses de Bishop, malgré le souci de camper ses nombreux personnages, le roman se lit sans ennui et sans l'impression que l'auteur étire la sauce.

Roman énorme (dans tous les sens du terme) qui n'est pas sans défauts et ne mérite pas, à mon avis, les dithyrambes que lui ont consacré les blogueurs; mais un roman solide qu'apprécieront les fans d'Ellroy ou d'Ellory.

Ma note: 4/5