Le club des polarophiles québécois

Le cercueil de pierre (de Kjell Eriksson)

MD (novembre 2010)


En un coup d'oeil


À mon avis

J'ai entendu parler de Kjell Eriksson, je crois, dans un documentaire sur Stieg Larsson qui présentait Eriksson comme un des bons romanciers de polars actuels et qui soulignait comment le roman policier suédois se double souvent d'une critique sociale. C'est vrai pour Larsson, c'était vrai pour Mankell, et on pourrait remonter comme ça jusqu'à la fameuse série des années 70 de Sjöwall et Wahlöö. C'est le cas, en effet, pour cet auteur qui se sensibilisa tôt, comme journaliste, aux rapports entre la vie agricole et la course au profit des multinationales. Peut-être même que cette dimension a pour lui plus d'importance que la structure du polar comme telle.

Dès le début, c'est un point de départ canon. Une jeune enfant et sa mère, citoyennes paisibles et au-dessus de tout soupçon, se font sauvagement écraser par un automobiliste. Puis, le mari est porté disparu. Un homme pourtant fort apprécié par son entourage. La commissaire Ann Lindell hérite de cette enquête. Avec, en principe, son équipe. Et ils pataugent longtemps, très longtemps. Ann est un peu handicapée par sa vie sentimentale aléatoire. Les anciens détectives, c'était la drogue, les cigarettes, l'alcool. Maintenant, surtout dans un pays écologique, c'est le rapport sentimental. Les enquêteurs sont fatigués de leur travail qui porte peu souvent fruit et auquel ils sacrifient pourtant leur couple, leur famille, leur existence. Ann est si fatiguée de sa procrastination et de sa culpabilité (coupable de culpabilité, comme on accusait le vieux prof des Fraises sauvages de Bergman) qu'elle en devient fatigante. Au beau milieu de l'enquête et du roman (p. 150 à 175), on a droit à un petit voyage dans les Uppland où elle retrouve son Edvard : sa relation amoureuse semble se consolider : Vivre sa vie dans l'espoir que l'amour sera capable de vous souder aux autres. Elle avait trop constaté, dans son travail, ce à quoi pouvait mener l'absence de ce sentiment d'appartenance. (p.175). Ce qui ne l'empêchera pas de scier la branche sur laquelle elle venait de s'asseoir par une sorte de maladresse masochiste.

Et l'intrigue policière? On reste passablement extérieur à l'enquête, y compris dans l'intermède espagnol, et les coéquipiers d'Ann manquent de consistance, contrairement, par exemple, aux membres du groupe dans Misterioso d'Arne Dahl. De beaux hasards surviennent de temps en temps, au moins trois gros, mais l'intérêt a le temps de faiblir. Meurtres et disparitions sont apparemment résolus, mais il n'est pas certain que Ann soit enceinte. Edvard s'occupe du poulailler, Viola arrache les pommes de terre et, ailleurs, Julio sent la mort venir. Et Ann est seule.

Eriksson me donne l'impression d'utiliser le cadre du polar comme prétexte pour aborder des problèmes socio-économiques importants, ce qui est louable. Sauf que, quand Mankell ou Larsson faisaient ça, ils ne sacrifiaient pas l'intrigue policière. Je n'ai rien contre les romans historiques ou sociologiques. Mais, quand je veux lire un polar, je n'apprécie pas que l'intrigue policière soit un mince prétexte : j'ai l'impression qu'il y a maldonne

Ma note: 3 / 5