Le club des polarophiles québécois

Clair de lune (de Jeffery Deaver)

MD (août 2010)

Voir anssi l'entrée 5-étoiles de Jacques sur Deaver.


En un coup d'oeil

  • Date de publication originale: 2006 (The Cold Moon).
  • Date de l'édition française: 2008 (Éd des Deux Terres); 2009 (Livre de Poche, 628 p.)
  • Genre(s): thriller, procédure policière
  • Mots-clés: morts lentes, ripoux, kinésique
  • Personnages principaux: Lincoln Rhyme ... et Amelia Sachs
  • Résumé et commentaires: ici

À mon avis

J'avais lu La Place du mort et Épitaphe pour une star du porno (ce roman ne fait pas partie de la série des Rhyme/Sachs) avant de voir Denzel Washington et Angelina Jolie dans Le Désosseur. J'avais trouvé excellent le premier roman. Mais j'avais lâché L'Épitaphe après 60 pages. J'ai revu avec plaisir Le Désosseur et, depuis, je ne peux pas faire abstraction de la tête de Washington et de l'allure de Jolie quand je me plonge dans un Deaver. Ça m'a aidé à traverser L'Homme qui disparaît. Et ça m'a permis aussi de fraterniser avec Clair de lune, qui a quand même d'autres attraits.

J'ai relu le commentaire de mon collègue Jacques sur Deaver et je suis frappé du fait que sa description d'un Deaver en général (en tout cas de la série Rhyme/Sachs) m'enlève les mots de la bouche pour décrire la trame de Clair de lune : la relation tendue entre Rhyme et Amelia (d'autant plus qu'elle envisage ici de démissionner de la police, donc de son rôle d'assistante de Rhyme), l'analyse scrupuleuse des indices matériels grâce au tableau des indices qui s'enrichit au cours du récit et que l'auteur reproduit à cinq ou six reprises, l'intelligence du criminel, les multiples rebondissements, complexes sans doute mais réexpliqués plusieurs fois, l'affrontement ultime du mauvais génie et du brillant handicapé, le coup de théâtre final que personne ne peut prévoir, sauf Rhyme évidemment. Que cette formule s'applique à peu près à tous les Deaver de la série est plaisant pour ceux qui reconnaissent un genre qui les séduit. D'autres pourront se fatiguer de l'éternelle recette.

Les qualités de ces romans expliquent leur succès : chacun nous entraîne dans un monde soigneusement décrit qui baigne dans une atmosphère appropriée : le monde de la magie dans L'Homme qui disparaît, celui d'un village western dans La Place du mort, une dimension cachée et inquiétante de New York dans Le Désosseur. C'est moins évident dans Clair de lune : peut-être le milieu des investigateurs criminels comme tels : police, FBI, armée. Ce que je veux dire c'est que, malgré la recette de base, l'intrigue est suffisamment riche en couleurs, en événements, en personnages, en superpositions et entrecroisements d'enquêtes captivantes, pour nous intéresser jusqu'au bout. Sur le squelette rigoureux, la chair offre des rondeurs attrayantes et des surprises déconcertantes. Par exemple, dans ce cas-ci, le personnage de Kathryn Dance, kinésique, spécialiste du langage du corps, capable de détecter mensonges, réticences, échappatoires, camouflages, lors d'un interrogatoire. En un sens, tout le contraire de Rhyme qui ne jure que par les indices matériels. Pourtant, les aptitudes exceptionnelles de Dance joueront un grand rôle dans la traque de l'assassin, ce que Rhyme finira bien par admettre. (

Ceci dit, j'ai lu plusieurs commentaires d'amateurs qui n'ont pas aimé. Si on ne connaît pas les collaborateurs habituels de Rhyme, on se perdra dans le grand nombre de personnages. Si on ne lit pas le roman assez rapidement, on se mêlera dans les deux enquêtes parallèles ou dans les rebondissements de l'enquête sur l'Horloger. Pour ma part, le sentiment de culpabilité des policiers et détectives américains et leur apitoiement sur eux-mêmes (je pense surtout à Amelia, un peu à Art Snyder) m'agacent un peu. Ou leurs incohérences, bien que Deaver souhaite probablement illustrer ainsi la faiblesse ou la vulnérabilité du personnage; exemple, p. 591 : Amelia ne croit pas au destin mais elle prend pour acquis que d'une manière ou d'une autre, il y a des enfants dans son avenir. Enfin, comme dans L'Homme qui disparaît, ne sont pas évités de beaux hasards et quelques invraisemblances, dont le dévoilement rapide des tenants et aboutissants du problème central par Rhyme qui, malgré son tableau des indices, nous apparaît moins comme un grand analyste (à la Holmes ou à la Poirot) que comme un sorcier bien chanceux.

En résumé, côté rigueur nous sommes plus près de Preston & Child que de Katzenbach. Pour l'imagination, toutefois :

Ma note: 4/5