Le club des polarophiles québécois

Le hameau des purs (de Sonia Delzongle)

MD (juillet 2011)


En un coup d'oeil

  • Date de publication : 2011 (Cogito, Media Group, 380p.).
  • Genre: thriller.
  • Mots-clés: tueur en série (l'empailleur), disparition, secte, campagne française.
  • Personnage principal: Audrey Grimaud, journaliste.
  • Biographie et résumé du roman par l'auteure: ici.
  • Résumé développé et commentaire critique: .

À mon avis

C'est le troisième roman de Sonia Delzongle, diplômée des Beaux-Arts, journaliste de métier, qui vit à Lyon. Dans ce premier contact que j'ai eu avec elle, j'ai passé par différentes phases : d'une part, il ne s'agit pas d'un polar au sens classique du terme, en tout cas certainement pas au sens américain du terme; toute la première partie (L'Incendie) décrit le passage de l'enfance à l'adolescence de la jeune Audrey avec une rare acuité psychologique et, puisque le récit se passe dans un village reculé du Vivarais, avec un sens admirable de la description d'une campagne sauvage où les ombres louches et les odeurs farouches nous intriguent. Même si l'auteure s'adonne à la peinture, c'est son sens olfactif qui m'a le plus touché; ça me rappelait Le Parfum de Süsskind, lorsque Grenouille hante la campagne dans les environs de Grasse.

Pourtant, il y a certainement un aspect thriller là-dedans, notamment dans la seconde partie (L'Empailleur), quand policiers et journalistes tentent d'établir le lien entre les victimes de l'empailleur et l'incendie criminel qui a brûlé sept habitants du hameau, qui vivaient dans une sorte de secte qui peut faire penser aux Amisch, espace-temps plutôt clos, recroquevillé sur lui-même, en marge d'un village qui gît lui-même dans le milieu de nulle part. Donc, enquête dans un monde fermé, variante classique, où Audrey, maintenant dans la jeune trentaine, ambitieuse, opportuniste, moins sympathique que dans son jeune temps, s'active corps et âme à la recherche de la vérité. Delzongle ne joue pas sur l'identification psychologique, ni sur la mystique du western : la dichotomie entre les bons et les méchants. Chaque personnage manifeste ses forces et ses faiblesses; on évite ainsi les simplifications.

La troisième partie (Le Lac) bascule dans l'horreur et le lecteur y perd son latin. Quand nous sommes sur le point de connaître la vérité, les rebondissements se succèdent et le lecteur est étourdi mais, à cause d'une écriture fluide et simple, nous restons accrochés, séduits, sans nous poser trop de questions sur la possibilité de quelques invraisemblances. Après nous avoir trimballés de tous les côtés, l'auteure nous a gagnés à sa cause.

J'ai mentionné la référence à Süsskind, à cause des évocations olfactives, mais aussi des campagnes et des boisés français, capables de connaître parfois des hivers aussi rigoureux que les nôtres. J'avais aussi saisi cette ressemblance dans L'Homme à l'envers de Fred Vargas. J'ai aussi établi des rapprochements avec les personnages de Réjean Ducharme et de Gaétan Soucy, attachants et improbables, en tout cas, hors du commun. Le troisième partie ferait plutôt penser aux histoires d'horreurs de Patrick Sénécal, où on bascule dans la folie sauf que, dans le cas de Delzongle, on reste la plupart du temps dans le suggestif, qu'il s'agisse de violence ou de sexualité.

Je cite ces références pour appuyer cette idée que l'auteure déploie une riche palette de talents pour s'attacher son lecteur de bien des façons. Comme disait l'autre : « On croyait trouver une auteure de polar, et on découvre une écrivaine! » Ça ne plaira pas à tout le monde. On est loin d'Ellery Queen. Ne cherchons pas le fin mot de l'histoire et n'espérons pas le trouver avant de tourner la dernière page. Laissons-nous plutôt porter par l'écriture, qui finira bien par nous révéler la source de toutes ces infamies, comme on se laisserait porter par une symphonie apocalyptique de Mahler. La séduction continuera d'opérer si l'objectif d'en mettre plein la vue reste toujours subordonné à l'objectif de la rigueur.

Ma note: 4,5 / 5