Le club des polarophiles québécois

Instinct (de Jérôme Camut et Nathalie Hug)

JH (février 2009)


En un coup d'oeil


À mon avis

Instinct est le troisième tome de la trilogie Les voies de l'ombre. Il est utile de savoir qu'il s'agit d'une authentique trilogie, tricotée serré. Aborder, comme moi, directement Instinct, sans avoir lu préalablement Prédation et Stigmate rend la lecture compliquée en forçant un travail de décodage rétrospectif et de reconstitution que les auteurs ne facilitent pas. En fait, ce n'est pas une nouvelle aventure des mêmes personnages, mais l'épisode suivant de la même histoire. Il est donc impératif de lire les trois romans dans l'ordre.

Vous aurez un excellent aperçu du contenu de la trilogie (avec un enthousiasme que je ne partage pas vraiment, toutefois!) sur le blog Anamor: Prédation, puis Stigmate et enfin Instinct.

Contrairement à la plupart des romans construits autour de psychopathes et dont l'identité n'est dévoilée qu'à la fin, Kurtz est ici le personnage central de la trilogie. Mégalomane, cultivé, séduisant, quasi-surhumain et omnipotent, c'est un personnage dont les auteurs ont visiblement voulu faire une légende et dont la filiation spirituelle avec Hannibal Lector est manifeste. Tout comme le clin d'oeil évident au Kurtz d'Apocalypse Now. Mais son ambition est planétaire: à partir d'orphelins qu'il a recueillis et conditionnés ensuite par un lavage de cerveau particulièrement horrible, Kurtz veut créer un nouveau peuple de prédateurs humains qui va semer le mal à travers la planète, au moyen d'émeutes, d'attentats et de meurtres minitieusement organisés. Une fois son plan mis en action, toutes les polices de France, puis d'Europe, se mettent à sa poursuite. Mais, même quand on lui met la main dessus, ce n'est que partie remise. Son armée de chiens, comme il les appelle, se charge de poursuivre son oeuvre et de venir à sa rescousse. L'essentiel de la dynamique romanesque, c'est le combat titanesque entre un gourou plus grand que nature et des policiers trop humains. Autour de cette trame se déploient les sentiments complexes que suscite Kurtz à la fois chez ses victimes, ses complices et ses poursuivants, qui vont de la haine à l'amour, en passant par la dépendance affective, la crainte et la solidarité.

On est dans le thriller à la française, à mi-chemin entre Grangé et Chattam, assaisonné de Nieztche. Le mal et l'horreur, ici, ne sont pas gratuits, mais au contraire érigés en système philosophique. L'entreprise est ambitieuse. Mais l'écriture n'est pas toujours convaincante. Oh! on a bien appris la recette: phrases brèves et chapitres courts, points de vue croisés, multiplication des violences. Mais on étire la sauce et le roman comporte beaucoup de longueurs. Une fuite qui n'en finit plus, décrite dans les moindres détails; des demi-mots, des présupposés et des motivations obscures qui font qu'on ne comprend vraiment le portrait complet que dans les pages de l'annexe finale. Le lecteur ne se sent pas très intelligent pendant une bonne partie de la lecture, et ce n'est pas fait pour assurer le succès d'un roman!

Malgré des différences importantes, cette série n'est pas sans rappeler Le vide de Patrick Senécal (voir notre critique). En un peu moins bien réussi.

Ma note: 3/5


Lien externe