Le club des polarophiles québécois

Une mort esthétique (de P.D. James)

MD (décembre 2010)


En un coup d'oeil

  • Date de publication : 2008 (The Private Patient).
  • Date de l'édition française: 2009 (Arthème Fayard, 584 p.)
  • Genre: Procédure policière.
  • Mots-clés: clinique chirurgicale, manoir du Dorset.
  • Personnage principal: commandant Adam Dalgliesh
  • Résumé, commentaire et mini-bio de l'auteure: ici.
  • Site officiel (en anglais): .
  • Voir aussi ma fiche sur P.D. James dans mes valeurs sûres.

À mon avis

C'est quand même assez étonnant que, à presque 90 ans, PD James produise encore des briques aussi solides. Et elle n'est pas du genre à ce qu'on lui dise : « Pour 90 ans, c'est pas si pire! ». Donc, peu importe l'âge, ce n'est, en effet, pas si pire! Avec un bémol : faut savoir dans quoi on s'aventure. Et cette Mort esthétique est moins facile que Le Phare, publié il y a cinq ans.

En un sens, pourtant, on retrouve ces assassinats mystérieux dans un lieu semi-clos. Semi-clos : dans Le Phare, l'essentiel se passait sur une île; ici, l'action se passe surtout sur le site d'un manoir dont une aile est transformée en clinique chirurgicale, loin de tout, et, après le premier meurtre, entouré de patrouilles chargées de surveiller tout ce qui en sort et de limiter tout ce qui veut y entrer, particulièrement les journalistes et autres types d'intrus. Mystérieux : on ne voit pas bien qui peut avoir intérêt à faire disparaître cette journaliste venue se faire enlever une cicatrice qui la défigure depuis son enfance. On ne comprend pas bien non plus comment il se fait que c'est l'équipe de Dalgliesh qui est chargée de l'enquête (une vague histoire de connexions), mais on ne s'en plaindra certainement pas, puisque c'est justement quand l'équipe arrive que les choses gagnent en intérêt.

Ce qui prend quand même 200 pages! Ce n'est pas une critique, plutôt une façon de préciser le genre. C'est de la vraie littérature. Pas un pseudo-polar poétique ou historique, comme j'en ai rencontré dernièrement. Il s'agit vraiment ici de littérature policière, mais c'est de la vraie littérature, au sens où le lecteur doit éprouver le plaisir qu'il y a à lire des phrases bien rythmées, des paragraphes construits avec élégance, des mots précis, une composition fluide et minutieuse, à la Balzac, au sens où peu de détails nous sont épargnés. Que ce soit dans la disposition des pièces du manoir (un plan du manoir et de son parc aurait été de mise), des vêtements de chaque suspect, des petits plats préparés à la cuisine, des états d'âme des principaux personnages, nous sommes au courant de tout. L'avantage, c'est de donner à l'intrigue un décor tellement concret qu'on peut presque le toucher et, aux personnages, une densité qui en fait plus que des squelettes ou des caricatures; l'inconvénient, c'est que l'action est lente et qu'on a l'impression que le jeu de l'élucidation passe vraiment au second plan. Les quelques rebondissements se produisent une fois que l'enquête est pratiquement terminée. Le premier, très habile et satisfaisant, illustre l'acharnement pour la vérité et la cohérence qui caractérise Dalgliesh; le deuxième montre que la vie continue au-delà de l'enquête pour les autres personnages; le troisième se produit au cours d'une heureuse cérémonie qui échappe à la contaminaton des malheurs récents grâce à une vision encourageante de la vie, qui évoque clairement, pour moi, le testament philosophique de Dame James.

C'est vrai qu'il y a de l'Agatha Christie là-dedans : une certaine atmosphère trouble, des personnages apparemment simples au passé lourd, des interrogatoires aimables et des fouilles précises qui mènent à des découvertes surprenantes. Mais, en moins ludique et en plus littéraire que chez Christie. Alors que Poirot apparaît comme un brillant démystificateur, Dalgliesh a la personnalité d'un poète (ce qu'il est d'ailleurs), beaucoup plus introvertie que spectaculaire. Chaque héros est conforme au style de son auteure. Pour lire PD James, il ne faut donc pas être pressé; il est utile de noter les principaux personnages et leurs relations; ne vous creusez pas trop la tête pour découvrir le meurtrier avant Dalgliesh; trouvez plus de plaisir à la lecture du roman qu'au dévoilement du problème. Autrement, essayez un autre auteur.

Ma note: 4/5