Le club des polarophiles québécois

Mort d'un orfèvre (de Magdalen Nabb)

MD (décembre 2009)


En un coup d'oeil


À mon avis

Née en 1947, la britannique Magdalen Nabb, après avoir vécu avec son fils à Florence depuis 1975, s'y est éteinte prématurément en 2007. Elle a écrit pour la jeunesse; mais elle nous intéresse surtout pour ses 13 polars florentins, publiés à partir de 1981. Son premier, Le gentleman florentin, a reçu les éloges de Simenon (dont elle avoue espérer prolonger le genre de ses romans) et lui a valu le prix du meilleur roman policier de la part de la British Crimes Writer's Association. Mort d'un orfèvre est son deuxième. Je n'ai malheureusement pas trouvé le premier, ce qui peut nuire un peu à mon jugement parce que, comme Nabb savait qu'elle se lançait dans une série, elle a peut-être fourni des informations dans le premier qu'elle ne répète pas dans le deuxième. Par exemple, j'ai ressenti une certaine confusion quand j'ai eu l'impression que les carabiniers vivaient dans le poste officiel des carabiniers de la rive gauche sis au Palais Pitti : Guarnaccia sort du bureau où il jase avec ses hommes et entre dans son salon où il se met en bras de chemise avant d'aller chercher quelque chose dans la cuisine et de s'étendre dans sa chambre! Ainsi, le lecteur est parfois confus, ou parce qu'il lui manque une information déjà fournie, ou parce que l'auteure prend pour acquis qu'on devrait savoir quelque chose qu'on ignore. Premier conseil, donc, lire les romans dans l'ordre de composition.

La comparaison avec les polars vénitiens de Donna Leon s'impose évidemment. On reconnaît sans mal la ville de Florence, comme on reconnaissait Venise, et même davantage parce que l'aire d'investigation d'un carabinier florentin semble assez restreinte et, dans ce cas-ci, circonscrite au quadrilatère qui va du Palais Pitti et Jardins de Boboli à la Piazza San Spirito, jusqu'à l'Arno et au Ponte Vecchio. Quand la filature s'étend jusqu'à la Piazza della Signoria et au Palais Vecchio (en partie l'hôtel de ville), Guarnaccia ne se sent plus sur son territoire. Comme par hasard, c'est le quartier que connaît tout touriste, ne connaîtrait-il qu'un quartier de Florence. Chez Leon, le commissaire Brunetti a une plus grande marge de manœuvre. Mais, pour Nabb, Guarnaccia, comme Maigret, enquête auprès de gens qui sont quasiment ses voisins. Il prend son temps, s'arrête dans un café, visite une vieille dame esseulée, placote avec quelques passants. Comme il vient de Sicile, où vit sa femme et ses enfants, il interroge souvent ses collègues sur les coutumes florentines, ce qui nous permet de comprendre un peu mieux ce qui se passe. Contrairement à Brunetti, Guarnaccia est triste, nostalgique et a tendance à se déprécier même si, en fin de compte, ce sont ses observations et ses réflexions qui permettent souvent de résoudre l'énigme.

A part cet intérêt sociologique et psychologique, dimension à laquelle Nabb tient beaucoup, Nabb n'a pas manifesté, dans son deuxième roman, le talent de Leon pour captiver son lecteur par le déroulement de l'enquête. Au départ, l'énigme intéresse : suicide ou meurtre? Les indices tomberont au compte-gouttes. Et la solution suivra une course contre la montre non dénuée d'intérêt, même si le finale proprement dit n'est pas facile à avaler. Ce qui m'a semblé plus faible, c'est surtout le rythme de l'enquête, l'imprécision des personnages et l'autoflagellation récurrente de l'adjudant. La question du rythme est essentielle : insérer, par exemple, en plein milieu du roman, un chapitre (le 5e, p106 à 134) où Guarnaccia se contente d'interroger la vieille dame, dont on ne sait jamais si elle ment ou dit la vérité, c'est long. Simenon, bien souvent, savait soulever notre intérêt même quand les conversations s'éternisaient. Nabb aime Florence, les carabiniers solitaires et timides, les habitants de son quartier, surtout ceux qui n'ont pas eu de chance, les relations humaines. Quant aux plaisirs liés à un suspense angoissant, un thriller énervant, ou une mystérieuse énigme dévoilée avec élégance et subtilité, ça doit finir par advenir par-dessus le marché, ou pas.

Ma note: 3/5