Le club des polarophiles québécois

Les pièges du crépuscule (de Frank Tallis)

MD (janvier 2010)


En un coup d'oeil


À mon avis

J'avais déjà lu les trois premiers livres de la série Les carnets de Max Liebermann et, comme je viens de recevoir en cadeau ce quatrième, Les pièges du crépuscule, je profite de l'occasion pour le lire attentivement en me demandant comment il se fait que je n'ai pas tellement aimé cette série malgré des atouts pourtant remarquables.

Premier atout : Vienne, début XXe (1903), société en effervescence, ruptures artistiques, joie de vivre autour des cafés et sur les collines qui entourent la ville où coule le vin rouge. Deuxième atout : collaboration amicale entre le jeune psychiatre Liebermann et le policier mélomane Rheinhardt qui, quand ils se réunissent pour faire le point, interprètent des lieder de Schubert (Liebermann au piano), fument de bons cigares et sirotent un brandy parfumé. Troisième atout : recherches préalables pertinentes, citées à la fin du roman, sur la vie quotidienne à Vienne à cette époque, l'insertion historique des Juifs et leur lien avec la Kabbale, l'aspect psychopathologique des cas mentionnés (nous rencontrons d'ailleurs Freud à quelques occasions) etc. Donc, un décor qui me plaît et des aspects de l'existence qui m'intéressent.

Et pourtant quel ennui! Tallis ne sait pas raconter une histoire. Il parle de tout et de rien, multiplie les courts chapitres (81 en 400 pages), se perd dans des dizaines de directions dont plusieurs n'ont aucun rapport avec l'intrigue principale, introduit un si grand nombre de personnages que très peu ont un minimum de consistance. Les principaux personnages ne sont pas très futés : Liebermann apparaît comme un grand dada plutôt naïf (un psychiatre de 30 ans qui ignore que la coupole du Duomo de Florence est due à Brunelleschi, un Juif instruit qui ne se rend pas compte de la montée de l'antisémitisme, alors que le maire Lueger de Vienne a justement été élu à cause de sa campagne antisémite), et un inspecteur plus intéressé à empêcher son ami de se faire mettre dehors de l'hôpital où il travaille qu'à travailler comme tel sur les trois cas de décapitation (en tout cas, s'il y travaille, on ne le sait pas). Sympathique sans doute, mais indicatif surtout de l'intérêt de l'auteur pour qui l'intrigue policière est certainement secondaire, et son dénouement artificiel : pour que la solution apparaisse, il faut vraiment que le tueur se passe lui-même la corde au cou, suite à une stratégie très peu convaincante. D'ailleurs, c'est si peu l'intérêt premier du roman que l'histoire (plutôt les anecdotes) s'attarde encore à montrer, après le supposé dénouement, comment Herr Poppmeier (qui n'a aucun rapport) va se remettre de sa grossesse imaginaire, comment Liebermann va se défendre devant le conseil d'administration de son hôpital et comment évolueront les relations sentimentales entre Liebermann et Miss Lydgate.

Qu'est-ce qui compte alors? Pas vraiment la dimension culturelle, qui semble empruntée à un guide touristique. Ni l'aspect psychologique : les personnages sont peu développés : ils se réduisent soit à des caricatures, soit à des noms qui renvoient à de pâles figures. Ni l'aspect culturel, sommaire. Sachant que Tallis est psychiatre lui aussi, comme son héros, et qu'il connaît bien Freud, je suppose que les mécanismes de composition de son roman relèvent des mécanismes du rêve et de l'association libre. A bon entendeur, salut!

Ma note: 3/5