Le club des polarophiles québécois

Sorry (de Zoran Drvenkar)

JH (juin 2011)


En un coup d'oeil

    • Date de publication : 2009 (Sorry).
    • Date de l'édition française: 2011 (Sonatine, 448p)
    • Genre: suspense.
    • Mots-clés: vengeance, pardon, pédophilie.
    • Personnage(s) principal(aux): trop nombreux à énumérer (ou aucun!).
    • Résumé et critique: ici.

À mon avis

Avec les éditions Sonatine, on n'est certain que d'une chose: on ne se glissera pas dans de vieilles pantoufles! Les publications sont toujours des romans hors normes, originaux, d'auteurs souvent publiés pour la première fois en français. Sorry, de l'Allemand Zoran Drvenkar, est résolument campé dans ce créneau.

L'originalité de ce roman tient essentiellement à sa construction et à son style. C'est une entreprise de déconstruction systématique de tous les codes narratifs. Ainsi, l'auteur présente les chapitres racontés du point de vue du tueur à la 2e personne, comme s'il s'adressait directement à lui. De même, d'autres chapitres sont narrés à la première personne sans que l'on sache, sinon à la toute fin, quel personnage se cache derrière ce je. On passe du passé simple au présent, parfois même d'un paragraphe au suivant, sans qu'un saut dans le temps ne l'impose. Et, bien sûr, d'un chapitre à l'autre (et ils sont nombreux, car assez courts), on change de point de vue - heureusement que l'auteur a résisté à la tentation de l'embrouillamini total en identifiant systématiquement le personnage sur lequel il focalise pour ce chapitre. Ajoutez flashbacks et flashforwards et vous comprendrez qu'on sort de cette lecture avec le vertige!

J'imagine que la plupart des romanciers pensent d'abord leur intrigue de façon linéaire, puis la compliquent au moment de la rédaction par des fausses pistes, des intrigues secondaires, des demi-mots et des astuces dans l'ordre de présentation des éléments. Ici, Drvenkar pousse un cran plus loin: il complique l'intrigue par sa façon même de nous la raconter. Une bonne partie de l'énergie de lecture consiste à se demander de qui on parle ou encore qui parle avant même de se demander ce qui se passe.

Une fois dépouillée de ces artifices de présentation, l'intrigue est assez classique, même si parfois tirée par les cheveux, bien servie par des personnages solidement campés et, pour la plupart, attachants. L'amitié entre quatre de ces personnages, qui est au coeur du roman, est présentée avec sensibilité qui la rend touchante. La réflexion sur les thèmes jumeaux de la vengeance et du pardon est juste et s'éloigne du moralisme éculé que l'on retrouve trop souvent dans le polar.

Ne vous attendez pas à une lecture reposante. Un parti pris romanesque aussi tranché est même souvent irritant. On aime ou on n'aime pas. Mais on ne restera certainement pas indifférent à l'originalité profonde de ce roman, voire à sa narration révolutionnaire.

Ma note: 4/5