Le club des polarophiles québécois

Dans la tête, le venin (de Andrea H. Japp)

JH (juillet 2009)


En un coup d'oeil

  • Date de publication originale: 2009 (Calmann-Lévy, 283p)
  • Genre: thriller scientifique.
  • Mots-clés: profilage, tueur en série, prédateurs.
  • Personnage principal: Diane Silver, profileuse au FBI.
  • Résumé et critique assez juste (quoique un peu sévère): ici
  • Lien externe: entrevue au Nouvel Obs;

À mon avis

Andrea H. Japp est le nom de plume de Lionelle Nugon-Baudon, docteure en biochimie, toxicologue et scientifique de niveau international. Comme auteure de polars, elle oscille, au fil de près d'une trentaine de romans, entre le polar scienfique à l'américaine et le thriller médiéval, en plus d'être la traductrice attitrée des romans de Patricia Cornwell, dont elle a visiblement subi l'influence. Moins connue que Fred Vargas ou Maud Tabachnik, elle est cependant, à mon avis, la grande dame du polar français, avec une écriture intelligente sans artifices inutiles et des personnages qui, aussi typés soient-ils, sont crédibles et fouillés.

Le présent roman se situe, pour l'essentiel de l'intrigue, aux États-Unis (ce qui est le cas de presque tous les polars contemporains de Japp). Il met en scène l'une de ses deux héroînes de prédilection, Diane Silver, profileuse de génie (l'autre étant, dans une série de 5 romans, la mathématicienne Gloria Parker-Simmons). Caractère de chien, n'en faisant qu'à sa tête, irrémédiablement marquée par le meurtre de sa fille quelques années plus tôt aux mains d'un serial killer innocenté sur un détail technique de procédure judiciaire, elle n'a plus qu'une raison de vivre: traquer les prédateurs; par la voie judiciaire si possible mais, au final, tous les moyens sont bons pour les éliminer du circuit. Et l'occasion se présente: un serial killer semble se manifester, mais du style justicier. Personne ne pleurera ses victimes, des prédateurs dangereux. Alors, on le recherche quand même? on le laisse aller? on rejoint son camp?

Japp - c'est rafraîchissant - ne verse pas dans les manies du romancier-qui-sait-mais-ne-nous-dit pas: elle joue cartes sur table et les narrations croisées nous donnent rapidement l'identité du coupable. L'essentiel du roman, ce ne sont ni les indices matériels ni l'énigme criminelle ni même l'intervention policière, mais la psychologie des personnages, explorée de l'intérieur de façon sérieuse et qui nous épargne les stéréotypes du genre. Encore une fois la marque du grand écrivain, à mon avis: même les personnages secondaires évitent les clichés et dépassent leur rôle dans l'intrigue pour devenir intéressants en eux-mêmes. Le rythme est relativement lent (ce n'est certes pas un thriller à l'emporte-pièce) mais aucune longueur; pas de digressions historico-géographico-contextuelles qui servent trop souvent à remplir des pages. Japp se concentre sur l'essentiel: la psychologie de ses personnages.

Seule une fin un peu bâclée prive ce roman de mon Coup de coeur. Elle est satisfaisante pour l'essentiel de l'intrigue, mais plusieurs fils non attachés et quelques questions secondaires sans réponse laissent quelque peu le lecteur sur sa faim. Mais sans que cela ne gâche le plaisir global de lecture, qui est bien réel.

Ma note: 4,5 / 5


La suite: Une ombre plus pâle et La mort, simplement.

JH (octobre 2010)

Bon, la fin un peu vacillante de Dans la tête le venin (voir ci-dessus) s'expliquait: il y avait une suite, et même deux; il s'agissait d'un cycle de trois romans. Je n'ai pas lu le second (Une ombre plus pâle) mais je viens de terminer le dernier (La mort, simplement).

Si vous avez accroché à Dans la tête le venin, ne faites pas comme moi: prenez la peine de lire le second tome avant le troisième. Même si l'auteure a la délicatesse d'inclure un bref résumé des deux premiers tomes au début du troisième, les références sont nombreuses dans le roman et la reconstitution des événements et des motivations des personnages n'est pas facile à faire.

Japp va au bout de la logique du dilemme posé dans Dans la tête le venin: Diane Silver avait cru trouver un sens à sa vie, après le meurtre affreux de sa petite fille, en se consacrant toute entière à la vengeance, à la lutte à n'importe quel prix (même au prix de la morale) contre les prédateurs d'enfants. Le choix qu'elle fait de faire passer la fin avant les moyens la place devant des dilemmes moraux sérieux, qui lui coûteront des amitiés et même son équilibre psychologique déjà fragile. Piégée dans cette impossible quête de pureté vengeresse, elle devra trouver le moyen de stopper, par de gros sacrifices, cette machine de mort qu'elle a contribué à laisser grossir.

On est dans les mêmes eaux que Dans la tête le venin. Si vous avez aimé celui-ci, vous aimerez la suite, même si une certaine lassitude s'installe à naviguer dans cet univers glacé. Un peu plus de longueurs, aussi. Disons qu'on passe d'un 4,5 à un simple 4. Ce qui n'est quand même pas si mal ...

Ma note: 4/5