Le club des polarophiles québécois

Les Veufs Noirs (d'Isaac Asimov)

MD (juin 2010)

(Voir ma note de 2008 sur la même oeuvre. Voir aussi mon compte rendu de Une bouffée de mort).


En un coup d'oeil

  • Date de publication originale: 1971-1990 (Random House/Doubleday)
  • Date de l'édition française: 2010 (Omnibus, 1104p.)
  • Genre(s): résolution d'énigmes.
  • Mots-clés: banquet, interrogatoires, réflexions.
  • Personnage principal: Henry, le serveur et maître d'hôtel des Veufs Noirs
  • Biographie d'Asimov: ici

À mon avis

Un mot seulement pour souligner la nouvelle édition de 5 des 6 recueils des Veufs Noirs d'Asimov, enfin réunis en un seul livre de plus de 1000 pages. Le sixième, The Return of the black widowers (2003) n'est pas encore traduit, à ma connaissance. Cette édition chez Omnibus est d'autant plus heureuse que les 10/18 ne sont plus facilement trouvables.

Le premier, Le Club des veufs noirs (1971-74, trad. 1989), a été un de mes coups de foudre des années 90. Puis, j'ai cherché en vain pendant quelques années Retour au club des veufs noirs (1976) (pas confondre avec The Return of the black widowers, son titre anglais est More Tales of the black widowers), Casse-tête au club des veufs noirs (80), A table avec les veufs noirs (84) et Puzzles au club des veufs noirs (90). Quand je les ai tous retrouvés en un seul ensemble Les Veufs noirs, je n'ai pu résister. Je n'ai pas encore tout lu, mais je devais signaler l'existence de cette somme avant qu'elle ne nous refasse faux bond pour une vingtaine d'années. Et, comme nous faisons relâche en juillet, je me suis contenté de lire (ou relire) 3 ou 4 nouvelles de chaque recueil pour savoir si ça n'avait pas trop vieilli. Et bien, je dois admettre que les nouvelles (en général, de 10 à 20 pages parce que la plupart ont été publiées dans des revues comme le Ellery Queen's Mystery Magazine) accusent quelques rides contrairement à Henry. Évidemment, on ne peut pas demander à une nouvelle ce que nous offre un gros roman. Par ailleurs, le fait que nos personnages principaux n'ont recours ni à un téléphone cellulaire ni à un ordinateur ne compte pas tellement à cause de la forme des enquêtes : autour d'une bonne table, six personnes mangent, boivent, discutent et réfléchissent dans le but de résoudre une énigme en bonne compagnie et, oserais-je dire, à mains nues.

Dans mon compte rendu précédent d'un roman de Colin Bruce, j'insistais sur l'aspect mathématique (probabilités et théorie des jeux) dont l'importance était décisive pour le meilleur et pour le pire. Ce qui joue ici le rôle des mathématiques, c'est la langue elle-même, qui fascine Asimov (on pensera aussi à Rex Stout). Plusieurs énigmes sont résolues à partir d'une analyse du langage ou d'autres systèmes de signes. Mais l'équilibre est bien respecté et les histoires ne se réduisent pas à des jeux de langage. Quand Asimov a entrepris d'écrire quelques nouvelles policières en 1971, il voulait revenir au genre de romans qui caractérisait Agatha Christie, par-delà le roman noir américain qu'il jugeait trop sanguinaire et amoral. Donc, il n'est pas question pour lui de négliger l'énigme. Et Henry tient lieu de Hercule Poirot, efficace et élégant.

La limite de la séduction émotive et de la jouissance intellectuelle tient à la forme même de chaque récit : une quinzaine de pages, 5 ou 6 personnages récurrents plus un invité, tous attablés et affamés, temps limité, et tout se joue dans le dialogue. On peut qualifier la nouvelle d'habile, brillante, stupéfiante, bien tournée, amusante mais, en réalité, ce n'est pas un genre comparable aux romans que nous analysons habituellement. Ce n'est pas comparable, pas plus qu'un champion poids lourd n'est comparable à un champion poids coq. Ce qui est constant, toutefois, et qui suffit à faire de ces veufs noirs un sain divertissement, c'est l'intelligence de leur créateur.

Ma note: 4/5