Le club des polarophiles québécois

Zulu (de Caryl Ferey)

JH (10 janvier 2009)


En un coup d'oeil


À mon avis

Couvert de prix et d'éloges, ce roman a cartonné auprès des critiques, qui y ont vu le polar de l'année, sinon de la décennie. Après l'Australie et la Nouvelle-Zélande, cet auteur français poursuit son exploration des antipodes avec l'Afrique du Sud post apartheid.

Un bon résumé de l'intrigue se trouve ici, accompagné d'une critique très élogieuse, assez représentative de l'accueil fait à ce roman par la critique.

Bantoustans et townships; africaners, boers, zoulous, Inkatha, ANC: rien n'y manque; la recherche a été approfondie et on nous révèle les strates les plus sombres de la société sud-africaine: enfants martyrisés ou abandonnés, sidéens, gangs de rue, mafia et trafiquants nigérians, putes et truands, la totale! Et si la carte ethnique de cette société éclatée n'est pas toujours très claire, les descriptions et les tranches de vie bien saignantes sont documentées et évocatrices.

Le fond de scène est politique: difficile de parler d'Afrique du sud sans évoquer les tensions raciales, les cicatrices laissées par l'apartheid, les écarts considérables entre riches et pauvres, les problèmes médicaux, les divers trafics, la désagrégation du tissu social. Mais ce roman n'est pas un roman politique ou engagé. C'est un roman noir dans la tradition la plus pure et la plus dure. Le livre est en lui-même une orgie de violences: on torture, on coupe les poignets et les têtes à coup de machette, on viole les femmes avec des manches de pioche, on charcute les langues et on les collectionne, on se tire dessus à qui mieux mieux, on liquide quelqu'un à chaque chapitre. Et les flics ont beau être des institutionnels, ils ne reculent pas devant des méthodes de privés sans trop s'embarrasser de mandats de perquisition ou de lecture des droits avant de cogner.

Il y a, bien sûr, une enquête et quelques éléments de procédure policière. Mais ce n'est pas la matière principale du roman; plutôt un fil conducteur assez lâche qui sert à enchaîner des portraits assez bien croqués, des descriptions évocatrices et des scènes violentes récurrentes contre lesquelles on finit par s'immuniser.

Si vous êtes sensibles à l'exotisme documentaire, si la noirceur de l'âme humaine et sa capacité de faire souffrir et de souffrir vous fascine, si la géopolitique de l'apartheid vous attire, si la violence pure et gratuite vous fait frémir, vous ferez sûrement partie des lecteurs très nombreux qui ont porté ce roman aux nues.

Personnellement, ces aspects me laissent assez froid. Je n'y ai vu qu'une intrigue assez convenue de biologistes ripoux s'alliant avec une mafia de trafiquants de drogue et de petites frappes pour mener des expérimentations médicales illégales. Si on avait situé ça à Paris, on n'y aurait sans doute vu qu'un polar noir plutôt moyen. Mais la greffe de cette intrigue banale avec le contexte mythique d'une Afrique du sud devenue une jungle sociale semble avoir assuré la notoriété du roman. Grand bien lui fasse! Moi, j'ai plutôt l'impression qu'on m'a refilé un grand reportage (pas mauvais, d'ailleurs, et plutôt bien écrit) sous couvert de polar (assez ordinaire, au total). Je rejoins par là le critique de Hardboiled qui s'y connaît mieux que moi en roman noir.

Ma note: 3/5