Le club des polarophiles québécois

Millenium (trilogie de Stieg Larsson)

MD


En un coup d'oeil


À mon avis

Je crains bien que mon avis ne soit pas très original. Je ne me souviens pas d'avoir vu un tel phénomène dans le domaine des polars. Plus de deux millions d'exemplaires vendus en peu de temps en Suède comme en France, sans grande campagne publicitaire et sans promotion de l'auteur, malheureusement décédé avant que sa trilogie ne soit publiée. Sur la rue Côte-des-Neiges, le va-et-vient entre les librairies Olivieri et Renaud-Bray n'avait de cesse, et les initiés se confiaient où il restait des exemplaires.

Comment expliquer le succès foudroyant de ces trois énormes briques vendues plus de 100$? Nous n'étions pas en période de carence. Nous avions l'habitude des polars suédois. Mikael Blomkvist n'a ni l'intelligence de Holmes, ni l'originalité de Wolfe, ni la maîtrise des arts martiaux, ni un sex- appeal à tout casser. Il vient même de perdre un procès en diffamation contre un riche homme d'affaires. Et sa complice, par la force des choses, Lisbeth Salander n'a rien d'une James Bond's girl; j'en connais même très peu qui rêvent de passer une nuit avec elle.

Certains ont parlé d'un réalisme cru, de la décortication des rouages de la politique suédoise, de la dénonciation des mouvements néo-nazis, de la description critique des salles de rédaction des grands journaux ou des revues spécialisées, des amours légères et des amitiés solides de Blomkvist. Tous ces éléments ont, en effet, leur importance. Et ils sont intégrés dans une histoire au rythme syncopé et aux rebondissements inattendus. Parfois, comme dans PD James, on ralentit sa lecture pour jouir davantage de l'atmosphère. Mais pas ici! La tension est trop vive : c'est la fuite en avant pour s'en débarrasser Comment résoudre les énigmes? Et surtout : qui finira par payer?

Question qu'on ne se pose pas toujours mais qui, ici, s'impose parce qu'on a affaire à plusieurs sortes de méchants, et ils sont nombreux. Cette question finit par devenir prioritaire. Qu'est devenue la disparue, Mikael baisera-t-il avec Lisbeth, regagnera-t-il sa réputation? Ces préoccupations passent au second plan. Car cette Lisbeth Salander, sociopathe intelligente et violente, hacker impénitente, explosive du genre handle with care, porte plusieurs cicatrices et n'est pas prête à les oublier. Dès le premier livre, on a vu comment elle avait neutralisé Maître Bjurman, son second tuteur, qui avait abusé d'elle. Blomkvist n'est pas naïf mais reste un gentleman. Alors que Lisbeth a l'âme vengeresse. Notre plaisir cérébral de voir l'énigme résolue est dépassé sur sa gauche par le plaisir viscéral de nous nourrir des souffrances imposées à ses persécuteurs. C'est la façon la plus efficace d'apaiser notre tension. Comme dans une symphonie, au moment où une série d'harmonies dissonantes se résolvent enfin dans un accord parfait


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