Le club des polarophiles québécois
RP (Février 2012)
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Lemiel
Atlick, jeune homme de 18 ans, vend des encyclopédies pour payer ses études, en
Floride. Alors qu’il est sur le point de conclure une vente, ses clients se
font descendre devant lui et l’assassin lui propose un marché : pas un mot
sinon c’est lui qui sera accusé du crime. Lemiel, pris au piège, continue son
petit commerce sans parler à personne des faits dont il a été témoin. Il
rencontre des personnages inquiétants comme Jim Doe le flic ripou de
Meadowbrook Grove ou son propre directeur surnommé Le Joueur. Ces deux-là préfèrent faire disparaître les cadavres
plutôt que de les signaler à la police (la vraie). Lemiel sent bien qu’il se
passe des choses inquiétantes dans son secteur de commerce, d’autant plus qu’il
y a toujours Melfort, l’assassin, décontracté et serein, qui a l’air d’en
savoir beaucoup.
Les
deux personnages principaux sont assez savoureux. Le jeune Lemiel, le
narrateur, est un mélange de naïveté et de débrouillardise. Il se débat dans
des évènements qu’il ne maîtrise pas du tout et qui s’avèrent dangereux. Il est
timide et sert parfois de souffre-douleur à deux de ses collègues vendeurs, des
types lourdingues et grossiers. Les épreuves qu’il traverse sont une sorte
d’initiation pour lui, un passage à l’état d’adulte. Il est à la fois effrayé
et attiré par Melford qui a butté deux personnes devant lui. Il faut dire que
Melford est un drôle de numéro ! Il est capable de tirer une balle dans la
tête des gens mais il est aussi philosophe, végétarien, défenseur des animaux
et il essaie d’éviter la violence chaque fois qu’il le peut. Sa morale personnelle est fondée sur d’autres
principes que la morale de la société. Il a des prises de
positions argumentées, intelligentes et pertinentes, ce ne sont pas des
élucubrations d’un psychopathe mais au contraire des observations pleines de
bon sens et de sagesse. Melfort exerce un puissant charisme sur tous ceux qui
le fréquentent … et sur le lecteur aussi ! On n’a pas souvent vu de
personnage aussi sympathiquement ambigu dans les polars. Jusqu’au bout on
s’interroge sur la personnalité déroutante de cet assassin éthique. A côté de
ces deux personnages très réussis, les personnages secondaires sont aussi très
bien campés : que ce soit la sœur siamoise survivante, assistante d’un parrain
de la drogue et qui, sous l’influence de Melford, deviendra un ardent défenseur
de la cause animale, que ce soit ce même parrain qui refoule de moins en moins
ses instincts pédophiles, que ce soit le flic ripou ou les vendeurs
d’encyclopédies, tous ont quelque chose de spécial, ils sont très typés et
parfaitement décrits.
Le
scénario est bien élaboré et assez astucieusement monté pour dévoiler petit à
petit les dessous de la vente d’encyclopédies. L’histoire démarre sur une leçon
de vente en porte-à-porte et se finit par un trafic de drogue et d’animaux avec
plusieurs morts à la clé.
Le
style est léger et imagé avec un humour féroce de tous les instants. C’est
agréable et facile à lire.
C’est
un livre jubilatoire qui est à la fois un bon polar et un livre de réflexions,
parfois philosophiques, sur plusieurs sujets de notre époque comme :
la prison, l’idéologie, le végétarisme, le traitement des animaux, l’expérimentation
animale. Le tout étant assaisonné d’un humour décapant qui rend l’ensemble du
livre à la fois léger et profond. Excellent vraiment !
Ma note : 5 / 5 et coup de cœur