Le club des polarophiles québécois
RP (décembre 2011)
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Brigitte Leclerc est convoquée au tribunal pour être inculpée d’un délit mineur. Profitant de l'inattention d’un agent de sécurité, elle lui substitue son arme et fait un véritable carton : avec la régularité d’un métronome, elle tire quatre balles, une toute les quatre secondes, bien en rythme : d’abord sur le garde lui-même, sur le juge ensuite, sur l’avocat et enfin sur le témoin. Quatre morts en quelques secondes ! Pas une balle de perdue ! Elle tourne ensuite l’arme contre elle, mais se brûle la bouche avec le canon chaud, elle perd la cadence, se rate mais réussit à se blesser gravement. Elle vit ensuite une expérience de mort imminente de cinq secondes avant de plonger dans un profond coma.
C’est Jérôme Marceau, un métis handicapé d’un
bras, qui est chargé de l’enquête et ce n’est pas un cadeau pour lui. Son chef,
une femme hommasse, crainte par son équipe, est en voyage de noces, et c’est à
lui que revient provisoirement la direction du service. Ses partenaires de la
police n’apprécient guère cette nomination et ils sont plus souvent dans une compétition
avec lui que dans une collaboration dévouée, ils le surnomment cruellement Aileron à cause de son bras inerte.
Jérôme a la lourde tâche de mener à bien l’enquête et de s’imposer comme chef
de service par intérim. L’affaire est très étrange : comment la criminelle
en est-elle arrivée à perpétrer un tel geste désespéré pour une condamnation
bénigne ? Dans une ville de Montréal paralysée par une tempête de neige,
Jérôme se déplace par le réseau souterrain de la ville et il fait avancer l’enquête
par son intuition et aussi par les indices matériels que son équipe découvre.
Peu à peu les liens entre les protagonistes de cette affaire sont découverts,
et cela ne plait pas à tout le monde. Certains préfèreraient accuser totalement
et seulement la jeune femme, encore dans le coma, sans chercher plus loin.
L’histoire
est assez originale : le but de
l’enquête n’est pas de savoir qui à tué mais pourquoi. La disproportion
entre
la bénignité de l’accusation et la gravité du geste de désespoir de la
criminelle
interpelle d’entrée. L’auteur dévide petit à petit les fils de la
pelote pour
reconstituer les évènements qui ont amené cet acte insensé. On va
s’apercevoir alors
que les victimes étaient pires que la meurtrière. La personnalité du
personnage
principal est aussi intéressante. Jérôme Marceau, est sombre de peau et
il a un
bras atrophié, séquelle de la thalidomide, un somnifère pris par sa
mère au
cours de sa grossesse. A cause de ces deux handicaps et de son manque
d’assurance il n’a pas d’épouse, ni de petite amie pas plus que des
amis. Sa
mère, rongée par la culpabilité, le sollicite souvent. Mais Jérôme a su
faire
son trou au Service de police de la ville de Montréal, suffisamment
pour
assurer l’intérim de la direction du service. Cette affaire va lui
permettre de
s’affirmer : non seulement il fera un chef de service crédible qui
va
faire toute la lumière sur cette affaire étonnante mais il réussira
aussi à obtenir pour Brigitte Leclerc ce qu'elle voulait tant avant le
drame, malgré l’avis de
sa hiérarchie et de certains notables de la justice.
Excellent polar québécois, de Jacques Savoie, original et
captivant, dont l’intérêt de la lecture ne faiblit pas durant
ses 311 pages.