Le club des polarophiles québécois
RP (Juillet 2012)
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Neuf
marins islandais vont embarquer sur un cargo en route pour le Surinam. Plus
exactement il y a, parmi les hommes qui embarquent sur le Per se, huit marins
et un truand notoire qui a profité de l’occasion pour échapper à un concurrent
qui ne lui voulait pas de bien. La traversée ne s’annonce pas comme une
agréable croisière : c’est probablement le dernier voyage de ce bateau et
de son équipage qui va être licencié. L’ambiance est morose et une mutinerie
est envisagée. En plus chaque marin a un problème personnel qui ne fait
qu’alourdir le climat sur le navire. Au milieu d’une violente tempête de
plusieurs jours, toutes les communications sont coupées : plus de radar,
de GPS, de radio. Elles ont été sabotées par quelqu’un qui est à bord. La
suspicion s’ajoute à l’ambiance déjà plombée. Et comme si cela ne suffisait pas
le cargo subit une attaque de pirates. Et ce n’est pas fini puisque après les
communications c’est le moteur qui va être saboté transformant ainsi le cargo
en une coquille ballottée par les flots sans plus aucun moyen de se diriger,
dérivant lentement et inexorablement vers le sud … jusqu’à l’Antarctique.
L’auteur
met en place progressivement tous les éléments du drame. Il expose le contexte
dans lequel se trouvent les hommes qui vont embarquer. Il montre leur état
d’esprit et les problèmes qu’ils vont embarquer avec eux. Il prépare ainsi les
évènements futurs. Il faut attendre que le cargo prenne la mer pour que
l’action se lance vraiment, puis les évènements vont se précipiter dans une
dramaturgie qui va crescendo. L’écriture est belle et donne parfois au récit un
aspect poétique et désespéré. La psychologie des personnages est finement
décrite : Stefán Máni met en évidence comment la combinaison du poids des
problèmes personnels et des épreuves subies pendant la traversée peut pousser
certains vers la folie. L’ambiance maritime, la fragilité des hommes et de
l’embarcation devant la puissance des éléments déchaînés sont parfaitement rendues.
C’est
un roman noir original, un huis clos maritime intense malgré quelques longueurs
et une petite difficulté pour s’y retrouver parmi tous les personnages aux noms
islandais. La conclusion est surprenante et même un peu
déroutante. C’est une lecture recommandable à ceux n’ont pas le mal de mer et qui n'ont pas peur
du noir.
Stefán Máni est né à Reykjavik le 3 juin 1970 et
a grandi à Olafsvik, un village de pêcheurs situé à l'extrémité de la péninsule
de Snaefellsnes. Noir océan, paru sous le titre Skipið (Le
vaisseau) en 2006, est son premier roman traduit en français.