Le club des polarophiles québécois
RP (Février 2011)
|
Le
shérif Alexander officie dans le comté rural d’Oconee dans les Appalaches. Dans
ce début des années 1950, la sécheresse sévit et beaucoup de paysans vont avoir
des difficultés pour survivre. Une autre menace pèse sur la région : après
pas assez d'eau, ce sera trop d'eau car la compagnie d’électricité Carolina Power
va noyer la vallée dans un immense lac artificiel qui lui servira de retenue
d’eau pour produire l’électricité. C’est dans ce contexte que Holland
Winchester, un combattant de la guerre de Corée, qui aime l'alcool et la
bagarre, disparaît. Sa mère est persuadée que c’est son voisin, Billy Holcombe,
qui l’a abattu parce qu’il rodait autour de sa femme. Le shérif Alexander
enquête et recherche le cadavre aux alentours de la ferme de Billy. Il ne le
trouve pas.
Amy
Holcombe est l'épouse de Billy, le voisin soupçonné de meurtre. Son problème
est de ne pas avoir d'enfant. Ce n'est pas elle qui ne peut pas mais son mari qui est stérile.
En désespoir de cause, elle va rendre visite à une vieille femme qui vit seule
dans la montagne et qui a la réputation d'être une sorcière. Malgré les potions
et les pratiques recommandées par la sorcière, Amy ne tombe toujours pas
enceinte. Nouvelle consultation chez la vieille femme. Cette fois, celle-ci lui
conseille un moyen plus simple et plus efficace que les sortilèges : changer
d'homme. Malgré ses réticences, Amy finit par admettre que c’est le seul moyen.
Elle s’arrange pour se faire remarquer par Holland Winchester. Celui-ci ne
restera pas insensible à ses charmes et finalement Amy atteint son objectif :
elle est enceinte.
Billy,
le mari d’Amy, donne ensuite sa vision des mêmes évènements et assure la
progression du récit. Le prolongement de l’histoire, plusieurs années plus
tard, est raconté par le fils. Enfin la conclusion est faite par l'adjoint au
shérif. Le fait que l'histoire soit racontée par cinq personnages différents ne
nuit pas à l'unité et à la cohérence du récit.
Ron
Rash, un écrivain dont le nom roule comme un torrent de cailloux (C.
Nougaro), nous livre un roman accompli. La description du monde paysan est très
bien rendue. L’écriture est adaptée aux personnages qui racontent : plus
fluide quand c’est le shérif, plus frustre quand c’est les paysans (la
traductrice a dû s'amuser pour rendre en français le langage péquenot
des paysan du comté d'Oconee).
Au passage l'auteur en profite pour montrer comment toute une région
est menacée et ses habitants chassés par une grande compagnie
capitaliste qui s'est approprié leurs terres. Le ton est un peu nostalgique. Le tout installe une
ambiance bien particulière
qui reflète bien la simplicité et la dureté du monde rural.
Ron Rash nous démontre ici que pour rendre une histoire captivante, il n'y a pas besoin
d'accumuler les cadavres ni de perpétrer une multitude de crimes sanglants. Une
seule disparition suffit, puis les évènements s'enchaînent de façon inexorable
jusqu'au drame. Pas de méchants d'un côté et de bons de l'autre non plus. Les
personnages ont un mélange de courage, de détermination et de fatalisme. Leurs
actions répondent à la logique, ils font ce qui doit être fait, comme le
dit Billy le mari, mais au lieu d’améliorer la situation, leurs actes se
combinent de façon pathétique pour les entraîner vers la tragédie.
C’est
un beau roman que je recommande sans réserve.
Ma note : 4,5 / 5 et Coup de coeur.