Keith Ablow

Psychopathe
Suicidaire

Psychopathe

MD (15 décembre 2008)


En un coup d'oeil

  • Date de publication originale: 2003 (Psychopath)
  • Date de l'édition française: 2004 (éd. du Rocher) et 2007 (Gallimard)
  • Genre(s): thriller, procédure policière.
  • Mots-clés: tueur en série, monde médical, FBI.
  • Personnage principal: Frank Clevenger, psychiâtre.

À mon avis

Voir ici le résumé de l'intrigue.

Keith Ablow, né en 1961 dans le Massachusetts, est d'abord connu comme psychiâtre, conseiller en criminologie et témoin-expert dans des causes de meutres et de violences. Depuis 1997, il écrit une série de thrillers qui ont pour vedette, sinon pour héros, le psychiâtre Frank Clevenger : L'Amour à mort (1997/1999), Psycho Killer (1999/2000), Compulsion (2002/2003), Psychopathe (2003/2004), Suicidaire (2004/2006), L'Architecte (2005/2007). Psychopathe est mon premier roman d'Ablow; pas trop grave, mais il est sans doute préférable de les lire dans l'ordre. Certains internautes n'ont pas aimé lire Compulsion après Psychopathe. De plus, en vieillissant, Clevenger se défait tranquillement de son accoutumance à la cocaïne et aux courses, et son environnement se modifie. Pas mauvais de connaître son passé pour comprendre les réticences des forces de l'ordre à avoir recours à lui. Même lui se méfie de lui-même. Mais, dans son domaine, il est fort.

Ce qui me dérange dans les polars à forte teneur psychologique, c'est que le mobile du crime peut être n'importe quoi, que par définition il demeure caché, souvent pour le criminel lui-même, et qu'il se révèle souvent dans les dernières pages comme un deus ex machina. Le lien logique entre le crime et le mobile est donc, pour ainsi dire, aléatoire, du moins pour le lecteur : ça peut être n'importe quoi. Et bien, ce n'est pas le cas ici. Comme on a affaire à une série de meurtres commis par le même individu, un profileur est requis. Or, le psychiâtre Frank Clevenger ne se complaît pas dans les théories fumeuses, de préférence incompréhensibles pour le commun des mortels. Qu'il se permette de sortir des cadres définis par le FBI, c'est de bonne guerre. Mais l'enquête n'est pas bousillée au profit de la spéculation. C'est une véritable partie d'échecs qui se joue entre lui et le tueur des autoroutes, qui est aussi psychiâtre, plutôt talentueux : sa capacité d'empathie lui permet de comprendre et de soigner des cas difficiles. Le lecteur a d'ailleurs tendance à sympathiser avec lui.

Au fond, la seule thèse fondamentale que Ablow et Clevenger partagent et qui sert de guide à leur pratique, c'est qu'on ne naît pas tueur mais qu'on le devient. Dans le même sens que Simone de Beauvoir disait qu'on ne naît pas femme mais qu'on le devient. Dans un cas comme dans l'autre, n'y voyons pas une excuse. Ablow et Clevenger ne sont pas naïfs et ne projettent pas de vider les hôpitaux psychiâtriques. Mais, ça fournit un indice de plus, un fil directeur, qui n'est d'ailleurs pas nécessairement plus important que d'autres indices.

La composition est efficace le rythme habile et l'histoire irrésistible. Les personnages importants sont peu nombreux, ce qui permet à l'auteur de les développer adéquatement. Clevenger a une vie personnelle difficile, ce qui n'est pas étonnant dans l'univers des polars, mais il boit moins que Rébus, déprime moins que Wallander, se martyrise moins que Tony Hill. L'ambiance est oppressante mais des pointes d'humour et des scènes plus relaxes, par exemple avec son fils adoptif ou avec la jolie Whitney McCormick du FBI, nous permettent de respirer un instant avant de replonger. Malgré l'énormité du cas (au moins treize victimes) et l'originalité de Jonah, ce roman, mené avec intelligence, apparaît comme réaliste.

Beaucoup de commentaires élogieux apparaissent sur le net avec, souvent, une réserve : le dénouement. Je viens donc de relire les trente dernières pages et je n'y changerais pas une virgule.

Ma note: 4,5 / 5


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Psychopathe
Suicidaire

Suicidaire

JH (avril 2009)

En un coup d'oeil

  • Date de publication originale: 2004 (Murder Suicide)
  • Date de l'édition française: 2006 (éd. du Rocher) et 2008 (Folio)
  • Genre(s): suspense, roman psychologique.
  • Mots-clés: suicide, neurochirurgie, attachements.
  • Personnage principal: Frank Clevenger, psychiâtre.

À mon avis

Suicidaire est l'avant-dernier roman paru des enquêtes du docteur Frank Clevenger (son plus récent, L'Architecte, est, à mon avis, un cran moins solide que le reste de la production d'Ablow). Si vous avez l'intention d'explorer les romans (presque tous excellents) de ce psychiatre romancier, je vous conseille de lire d'abord Psychopathe (voir ci-dessus le compte rendu de Michel). Soyons clairs: il n'est pas nécessaire d'avoir lu Psychopathe d'abord; mais si vous ne l'avez pas fait, vous y trouverez moins de plaisir, puisque Suicidaire, avec ses références rétrospectives, aura défloré l'intrigue.

Dans Suicidaire, l'action proprement dite est posée dès le premier chapitre. Voir le résumé ici.

Pas de détails sanglants et pas de procédure policière: empreintes, ADN, tests balistiques et alibis ne seront d'aucune utilité ici. Comme l'indique le titre (et encore davantage le titre anglais), toute la question est de savoir si la mort de John Snow et celle, peu de temps après, de sa maîtresse Grace sont des suicides, comme tout le laisse penser, ou s'il s'agit de meurtres. Et la réponse ne pourra se trouver que dans l'étude de la psyché complexe des protagonistes, de leurs liens affectifs, de leurs rêves et de leurs désillusions. Bref, un voyage au bout des passions humaines que seul un psychiatre formé comme Clevenger peut mener à bien. Au prix de la souffrance habituelle que lui cause sa profonde empathie pour les misères humaines.

Clevenger semble avoir résolu ses problèmes d'addiction au jeu, à l'alcool et aux drogues, qui étaient au coeur des premiers romans. Outre son travail de consultant auprès de la police de Boston, il consacre l'essentiel de son énergie à l'éducation de Billy, son fils adoptif adolescent, enfant difficile, traumatisé par une enfance horrible, et qu'il a décidé d'essayer de remettre sur les rails. Lui reste-t-il de la place dans son coeur abîmé pour aimer encore une femme? Pas évident ...

En filigrane d'une enquête qui progresse lentement et rigoureusement, des questions existentielles: quelle est la psychologie d'un surdoué hors-normes? Sommes-nous autre chose que la somme des liens affectifs et sociaux que nous tissons tout au cours de notre vie? Et ces liens sont-ils un filet de survie ou une prison sociale? Peut-on souhaiter perdre la mémoire pour pouvoir recommencer sa vie à zéro? La poursuite d'un rêve peut-elle amener à sacrifier tous les liens significatifs avec les autres? L'amour est-il un frein ou une stimulation à la création intellectuelle?

Des questions qu'Ablow traite avec son expertise de psychiatre, à travers des personnages profondément humains et attachants, malgré leurs failles et leurs blessures et aussi à cause d'elles. Si vous êtes un fana des intrigues de thriller menées à cent à l'heure, ce roman vous semblera comporter des longueurs. Mais si vous appréciez une psychologie dense, des personnages complexes et déchirés, un suspense sur le fil du rasoir, vous adorerez. Seule la fin, qui ressemble un peu trop à il faut faire des rebondissements multiples pour terminer en feu d'artifice prive cet excellent roman d'une note parfaite.

Ma note: 4,5 / 5


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