Paul Cleave

Un employé modèle
Un père idéal

Un employé modèle

JH (octobre 2011)

En un coup d'oeil
  • Date de publication originale: 2006 (The Cleaner)
  • Date de l'édition française: 2010 (Sonatine) et 2011 (Le livre de poche, 476p)
  • Genres: suspense, roman noir.
  • Mots-clés: tueur en série, copieur.
  • Personnage principal: Joe Middleton, employé d'entretien au commissariat de police de Christchurch, en Nouvelle-Zélande - et tueur en série.
  • Excellent résumé et commentaire: ici.

À mon avis

Paul Cleave, romancier néo-zélandais (une rareté) né en 1974, est une autre découverte des éditions Sonatine. Ce roman frappe fort et révèle un style original et une écriture très bien maîtrisée. Un employé modèle est sa première oeuvre, et aussi sa première traduite en français. Il en a publié quatre autres. De ceux là, seul Un père idéal (voir ci-dessous), son quatrième, est pour l'instant traduit.

Inutile de vous raconter l'intrigue: le lien ci-dessus le fait fort bien. D'ailleurs, l'intrigue, pourtant fort correcte, n'est pas le point fort du livre. C'est tout d'abord l'analyse psychologique du personnage principal. Nous sommes habitués à ces romans qui se mettent dans la tête d'un serial killer et nous les présentent comme des monstres schizophrènes jouissant de la souffrance infligée aux victimes. Le point de vue de Cleave est différent. Pas que Joe soit très sympathique, mais il est d'une cohérence remarquable à la fois dans son personnage qui lui sert de couverture (un Forrest Gump qui travaillerait dans un poste de police) et dans sa réalité de psychopathe qui tue comme on va prendre un verre, gratuitement, sans pulsion meurtrière particulièrement hallucinante, tout en jetant un regard froid, distancié et caustique sur le monde qui l'entoure et particulièrement sur Christchurch.

Il y a beaucoup de sang et de cadavres dans son univers glauque, mais il ne s'y complaît pas. Les meurtres sont décrits de façon brève et factuelle, parfois même par ellipse, sinon par un constat froid du genre J'ai fauché une bagnole et j'ai vite repéré la pute. Après l'avoir fait monter, je l'ai emmenée dans un parking souterrain, je lui ai planté mon couteau dans l'oeil droit et j'ai planqué le corps dans le coffre. Ce qui est décrit en détail, par contre, ce sont ses efforts pour ne pas laisser de traces et pour se tenir au courant des progrès (inexistants!) de l'enquête policière. Son machiavélisme contraste fortement avec le personnage de Joe, le brave balayeur demeuré mais sympathique, qu'il entretient au commissariat. Les personnages secondaires sont eux aussi joliment croqués.

Et il y a l'écriture! Un style nerveux, très oral, à l'humour décapant, parfaitement maîtrisé et qui porte presque à lui seul la logique du personnage. C'est ce style qui fait que ce qui paraîtrait comme des longueurs ou des redondances sous une autre plume passe ici sans problème et maintient l'intérêt de bout en bout. Je n'ai sauté aucune page, ce qui est plutôt rare pour moi; c'est vous dire ... Bref, une belle découverte.

Dans la foulée, je me suis mis à lire Un père idéal (ci-dessous). Je vous reviens avec mes impressions sous peu.

Ma note: 4,5 / 5


Un employé modèle
Un père idéal

Un père idéal

JH (octobre 2011)

En un coup d'oeil
  • Date de publication originale: 2009 (Blood Men)
  • Date de l'édition française: 2011 (Sonatine, 406p)
  • Genres: roman noir.
  • Mots-clés: braquage, vengeance, hérédité.
  • Personnages principaux: Edward Hunter, père de famille et fils d'un tueur en série; inspecteur Schroder, de la police de Christchurch (Nouvelle-Zélande)
  • Résumé et commentaire: ici et .

À mon avis

Eh bien, la qualité se maintient. Une très légère coche en dessous de Un employé modèle, mais néanmoins solide. Pour une fois, la quatrième de couverture est bien faite, ce qui m'évitera de vous raconter l'amorce. Allez voir. Je vous attends.

Donc, encore un serial killer, ce qui semble devoir être la spécialité de Cleave. Mais ici, c'est son fils qui est en vedette, autour de la question de savoir si la pulsion du crime est génétique ou non. Dans cette entreprise de légitime vengeance, quelle est la part de morale et celle de l'hérédité, alors qu'Edward semblait pourtant avoir bien surmonté son enfance difficile et l'héritage de son père.

Mais cette question n'est pas centrale dans l'intrigue. D'une facture formelle beaucoup plus classique que Un employé modèle, ce roman est d'abord un thriller, l'histoire d'une traque vindicative. La construction romanesque est intéressante, en ce qu'elle oppose, en narrations croisées, le parcours justicier d'Edward et l'enquête de l'inspecteur Schroder. Et comme Edward, aidé par son père, a toujours un pas d'avance sur le policier, on se demande bien comment cela va finir.

Cleave nous ménage deux ou trois surprises bien amenées, pas très spectaculaires, mais efficaces. Et la finale est finalement sans grande surprise, mais satisfaisante. L'écriture n'a pas l'originalité de son roman précédent, mais demeure efficace, avec des dialogues crédibles, des analyses psychologiques fouillées et le même humour grinçant auquel il nous avait habitués dans son premier roman. Bien des cadavres juteux et sanglants, mais pas de complaisance facile ou morbide comme chez Sénécal, par exemple. Intérêt soutenu garanti. Surveillez le suivant.

Ma note: 4/5