Andrew Klavan

Dynamite road
Un tout autre homme

Dynamite road

JH (mars 2009)


En un coup d'oeil

  • Date de publication originale: 2004 (Dynamite Road)
  • Date de l'édition française: 2006 (L'Archipel) et 2008 (Points thriller)
  • Genre: roman noir.
  • Mots-clés: infiltration, mafia, chasse à l'homme.
  • Personnages principaux: Scott Weiss, patron d'une agence de détectives privés; Jim Bishop, enquêteur de choc.
  • Série: Les deux mêmes personnages sont aussi les héros de Shotgun Alley (décidément, l'éditeur français a exclu les titres du contrat de traduction) qui, tout en étant une histoire indépendante, gagne à être lu après Dynamite road).

À mon avis

Andrew Klavan commencé sa carrière en publiant, sous le nom de Keith Patterson, cinq romans d'enquête mettant en vedette le journaliste enquêteur John Wells, dans la pure tradition du roman noir américain. Depuis, il a abandonné ce personnage et poursuit, sous son nom, une solide carrière de romancier. Ses romans les plus connus sont Pas un mot et Jugé coupable (tous deux portés à l'écran et tous deux récipiendaires de l'Edgar Award) ainsi que Tombe la pluie et À la trappe! Sans être une étoile de première grandeur, c'est néanmoins un auteur intelligent, à la qualité constante. Dynamite road lance deux nouveaux personnages qui semblent destinés à un brillant avenir.

Un bon résumé de l'intrigue est ici.

Il y a de ces mets qui ne nous impressionnent pas trop lorsqu'on les met en bouche, mais dont la saveur se développe à retardement pour vous laisser un contentement durable. Dynamite road est un roman de ce type. Pendant un bon bout de temps, le roman semble partir dans toutes les directions. Quel lien, en effet, entre un caïd dont la mort est suivie du suicide de plusieurs de ses proches, un criminel qui fait tout pour se faire pincer et se faire enfermer dans la prison la mieux gardée du pays, un tueur tombé amoureux d'une femme qui a disparu dans la nature pour lui échapper, un propriétaire d'une compagnie d'aviation qui trempe dans des opérations louches?

Puis, le roman se concentre graduellement sur deux enquêtes parallèles et apparemment sans lien entre elles : Weiss reste dans son bureau et raisonne à l'ancienne à partir d'indices; Bishop mène sur le terrain une opération d'infiltration au péril de sa vie. C'est comme si on mettait en narrations croisées Hercule Poirot et Philip Marlowe! Ce n'est que dans la dernière partie du roman que se mettent en place les liens qui permettent enfin d'avoir le portrait d'ensemble d'une opération machiavélique et complexe qui en est rendue à sa phase finale de déploiement et qu'il est pratiquement trop tard pour arrêter, surtout que Weiss, qui a fini par tout comprendre, n'a aucun moyen pour décider les autorités à agir.

On ne se rend compte que vers la fin à quel point l'intrigue, qui semblait plutôt brouillonne malgré son intérêt, a été minutieusement ficelée. Certains développements paraissent à première vue invraisemblables ou tirés par les cheveux; mais ce diable de Klavan prend le temps de vous montrer que tout avait été planifié et que, les indices une fois mis en lumière, tout se tient. Même si la finale est satisfaisante et l'enquête correctement résolue, Klavan laisse la fin quelque peu ouverte. Pas impossible qu'il se réserve une suite, un de ces jours. Que je lirai avec plaisir.

Ma note: 4/5
Dynamite road
Un tout autre homme

Un tout autre homme

JH (novembre 2011)

  • Date de publication originale: 2010 (The Identity Man).
  • Date de l'édition française: 2011 (Calmann-Lévy, 336p).
  • Genre: suspense, conte moral.
  • Mots-clés: identité, rédemption, corruption.
  • Personnages principaux: John Shannon, petit cambrioleur; Brick Ramsey, flic ripou.
  • Résumé et critique: ici.

À mon avis

Croisez un roman noir avec un conte de fées, et cela vous donnera une approximation de ce nouveau roman d'Andrew Klavan, avec ses rêves virés en eau de boudin et ses situations désespérées magiquement retournées. Voyons un peu.

John Shannon, cambrioleur à la petite semaine, se trouve subitement recherché par toutes les polices du pays, faussement accusé d'un quadruple meurtre. En cavale et dans un cul-de-sac, il se voit proposer par un inconnu de changer d'identité et de devenir un tout autre homme (pour une fois, le titre traduit est encore plus juste que l'original; saluons le traducteur au passage!). Chirurgie plastique, nouvelle identité, cartes de crédit, maison, auto, bref, un départ à neuf et en mieux. Le tout dans une ville dévastée par une inondation monstre (La Nouvelle-Orléans, même si elle n'est jamais nommée), où le travail abonde (il est charpentier). Moyennant ... rien du tout; gracieuseté d'un mystérieux bienfaiteur aux motivations tout aussi mystérieuses.

Évidemment, comme disent les Américains, there is no free lunch Le conte de fées tient la route un moment, le temps pour Shannon de s'installer, de se trouver un bon boulot, de mener enfin une vie honnête et de tomber amoureux. Mais le conte de fées se transforme en pacte avec le diable. Et sans qu'il comprenne pourquoi, le voilà à nouveau pourchassé par la police, cette fois par un flic ripou déterminé à éliminer tous les témoins potentiels d'une de ses bavures. Et la descente aux enfers commence.

L'écriture est solide et le portrait psychologique d'un homme qui s'éveille à une conscience morale au contact de l'amour d'abord et de l'art ensuite est une magistrale réussite. La transformation du personnage est minutieusement décrite de l'intérieur, à petites touches qui sonnent juste, en évoquant des valeurs universelles à travers la conscience d'un homme fruste, mais fondamentalement bon, malgré son passé de malfrat. L'intrigue, selon un procédé cher à Klavan, semble longtemps insoluble pour finalement s'éclairer d'un jour complètement neuf dans la dernière partie; tous les fils épars et les événements inexpliqués sont brillamment attachés. La fin (happy end of course!) est un peu hollywoodienne, mais on s'est tellement attaché à ce personnage qu'on en aurait voulu à l'auteur si elle avait été différente, plus littéraire, plus branchée. Comme il y a du conte dans tout ce roman, il faut accepter quelques invraisemblances et quelques raccourcis si on veut jouer le jeu. Mais ce n'est pas maladresse de l'écrivain: Klavan a pris le parti de nous narrer cette histoire comme un conte pour enfants, du genre de ceux dont Shannon rêvait, avec la part de rêves et de peurs qui habitent la vie de tout enfant.

À un autre niveau, c'est aussi l'histoire d'une rédemption, du passage d'une morale d'enfant à celle d'un adulte, permettant d'évoquer, d'une façon originale et sans fleur bleue, les thèmes universels de l'amour qui sauve et qui fait vivre, de l'artiste qui transforme le monde par sa vision, du mérite et de la justice.

Tout n'est pas parfait, dans ce roman. L'exploration psychologique, en parallèle, de la mentalité du policier corrompu, est beaucoup moins convaincante et on aurait pu en faire l'économie et le cantonnant simplement dans le rôle de némésis. Les considérations sur les tensions raciales dans la ville et sur la corruption généralisée sont moins réussies et plus superficielles. C'est ce qui prive ce roman de la note de 5. Mais ça demeure un Coup de coeur.

Ma note: 4,5 et Coup de coeur.

Dynamite road
Un tout autre homme