Laura Lippman

Ce que savent les morts
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Ce que savent les morts

JH (mars 2010)


En un coup d'oeil

  • Date de publication originale: 2007 (What the Dead Know)
  • Date de l'édition française: 2009 (Seuil, 456p)
  • Genre: polar psychologique.
  • Mots-clés: enlèvement, questions d'identité.
  • Personnage principal: Heather Bethany, femme à l'identité douteuse.
  • Résumé: ici
  • Lien externe: site officiel de l'auteure (en anglais).

À mon avis

Laura Lippman fut longtemps journaliste au Baltimore Sun et situe tous ses romans à Baltimore, suivant les traces de plusieurs auteurs américains qui font de leur ville un personnage de leurs romans. Elle a publié plus d'une douzaine de romans, dont seulement quatre ou cinq ont été traduits en français. La plupart mettent en scène la détective privée Tess Monaghan, mais pas celui-ci.

C'est une sorte de tour de force romanesque que de faire un roman si intéressant avec une intrigue aussi mince. Il y a 30 ans, deux soeurs de 12 et 15 ans, parties magasiner au centre d'achats, disparaissent. On ne les retrouve jamais. L'enquête finit par être abandonnée, le flic prend sa retraite et les parents des filles divorcent et essaient de reconstruire leur vie, chacun de leur côté. Mais, 30 ans plus tard, à la faveur d'un banal accident de la route, la conductrice rescapée dit être la plus jeune des deux soeurs disparues. Mais l'est-elle vraiment? Et que s'est-il donc passé il y a 30 ans? Et pourquoi avoir attendu si longtemps pour se manifester? Et qu'est devenue sa soeur?

L'intrigue est bien posée et, disons-le tout de suite, sera correctement bouclée à la fin, avec un dénouement inattendu, mais parfaitement logique. Mais l'intérêt du roman n'est pas là, et la vérification de l'identité de la mystérieuse inconnue n'occupe vraiment que la dernière partie du livre. L'essentiel, c'est l'effet de cette double disparition, il y a 30 ans, sur la vie d'une famille.

Avec une technique romanesque très personnelle, en multipliant les points de vue et les flashbacks, Lippman déterre des fragments de souvenirs de chacun de ses personnages: on passe de la vie des deux soeurs avant leur disparition, au divorce subséquent de leurs parents, à l'enquête qui piétine, à la vie de couple chancelante des parents, le tout entrecoupé de retours au temps présent: les prétentions ambigues de Heather; les doutes des policiers, le retour de la mère qui était partie refaire sa vie au Mexique. Et le tout dans un désordre chronologique total. Comme des flashes revenant à la mémoire sans logique apparente.

Mais l'écriture est parfaitement maîtrisée. Les personnages, même les moins importants, sont denses, complexes et attachants et les scènes du quotidien, qui font si souvent office de remplissage chez trop de romanciers, passent ici très bien, conférant au passé une épaisseur convaincante sans que l'intérêt ne se démente.

Un véritable plaisir de lecture, qui me fera certainement aller voir l'un ou l'autre des romans précédents de Laura Lippman.

Ma note: 4,5 / 5


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JH (juin 2012)

En un coup d'oeil

À mon avis

Ce roman a été finaliste pour le prix prestigieux du Edgar Award, on se demande un peu pourquoi. Pas qu'il s'agisse d'un mauvais roman, mais, à mon avis, il ne ressort pas particulièrement de la production courante.

Il y a plus de 20 ans, Walter Bowman, tueur en série, a enlevé et séquestré pendant quelques semaines Eliza, alors agée de 15 ans. Il la viole, mais il lui laisse la vie sauve avant d'être appréhendé et condamné à mort. Eliza s'est refait une vie et a tenté d'oublier cet épisode. Mais, du couloir de la mort où, ayant épuisé ses recours, Walter attend son exécution, il se rappelle à son souvenir en lui faisant parvenir une lettre et en lui demandant une visite. Tout le roman tourne autour de la relation trouble entre les deux et de ce qui s'est réellement passé vingt ans plus tôt. Les souvenirs sont-ils justes ou s'il y a manipulation? Eliza était-elle vraiment une victime ou si, syndrome de Stockholm aidant, elle était devenue, au moins par sa passivité, une complice? Y a-t-il matière à rouvrir le procès et à permettre à Walter d'essayer de sauver sa peau? Bref, pas de crime en cours d'intrigue, pas d'enquête, pas d'enquêteur; on peut se demander s'il s'agit vraiment d'un polar.

Autour de cette intrigue minimale, parsemée de flashbacks ramenant à cette période de séquestration, Lippman choisit de décrire minutieusement la psychologie des personnages. Celle des deux protagonistes, bien sûr, mais aussi celle de la mère d'une autre victime, encore animée par le désir de vengeance; celle d'une femme qui s'est donné comme mission de venir en aide aux condamnés à mort; et d'asutres encore. L'analyse est fouillée et le contexte familial et social, décrit dans les moindres détails. Cela sonne juste, mais il y a de nombreuses longueurs, alors que l'histoire avance à pas de tortue, progressant vers la rencontre entre Eliza et Walter, qui est le coeur du roman, mais qui arrive très tardivement, après avoir épuisé tout le jus possible de cette situation étrange.

Lippman écrit bien et a le sens de la psychologie. Mais le rythme trop lent et le parti pris d'exhaustivité dans les descriptions empêchent de se prendre d'enthousiasme pour un roman par ailleurs correct.

Ma note: 3,5 / 5

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