Häkan Nesser

Retour à la grande ombre
Funestes carambolages

Retour à la grande ombre

MD (janvier 2010)

En un coup d'oeil


À mon avis

C'est mon libraire Thomas (librairie Olivieri) qui a attiré mon attention sur cet auteur suédois traduit en français depuis 1995, mais dans le désordre, comme dans le cas des Mankell : ainsi, Retour à la grande ombre est le 4e de la série du commissaire Van Veeteren.

Même s'il a été professeur jusqu'en 1998, Nesser s'est mis au roman en 1988. Il a surtout vécu à Uppsala, a épousé une psychiatre, et s'est installé à New York, puis à Londres depuis trois ou quatre ans. L'action de sa série du commissaire Van Veeteren se passe dans une ville imaginaire, Maardam, qui pourrait être dans un pays scandinave ou en Hollande, comme si l'auteur ne voulait pas que ses romans passent pour des polars historiques ou géographiques. A partir d'une scabreuse découverte et d'une disparition, la procédure policière se met en branle. Van Veeteren laisse ici un peu plus de place à ses collègues parce qu'il doit subir une opération. Quand tous et chacun auront ramassé toutes sortes d'informations décousues, le commissaire recouvrira la santé, regagnera son poste et synthétisera le divers éparpillé pour fixer le sens et débusquer l'assassin.

Nesser a obtenu trois fois le Prix du meilleur roman policier suédois, mais ce n'est pas le cas pour ce Retour à la grande ombre. Ce n'est pas un roman dépourvu d'intérêt et, au départ, l'énigme est considérable et les moyens pour la percer peu impressionnants. D'où la minutieuse procédure policière à laquelle collaborent cinq ou six collègues.

Mais, peut-être parce qu'il faudrait lire les trois autres qui précèdent et qui ne sont pas nécessairement traduits, les policiers, à l'exception de Münster, ne se distinguent pas bien les uns des autres. Ils jouent plus le rôle de fonctions, d'ailleurs secondaires, que d'êtres humains auxquels on pourrait s'attacher. Le cas de Van Veeteren est évidemment différent, mais ce qu'on en sait n'en fait pas un individu très sympathique, et il a plus de chance que de génie. Je suis, par ailleurs, assez indisposé par des processus artificiels de composition qui ont pour but d'égarer le lecteur : des décalages dans le temps (1993, 94, 62, 81...) et des enchaînements de chapitre sans indication, de sorte que pendant un certain temps on ne sait plus qui parle à qui. Sans être un champion du récit linéaire, car le retour au passé est parfois utilisé à bon escient, j'aime bien que notre confusion soit fonction du développement de l'intrigue elle-même et de la complexité inhérente au mystère proposé.

Ma note: 3/5


Retour à la grande ombre
Funestes carambolages

Funestes carambolages

MD (mai 2010)

En un coup d'oeil

À mon avis

En janvier dernier, j'ai commenté Le retour à la Grande Ombre de Nesser : c'était mon premier. Il m'avait laissé assez froid et j'ai voulu retâter le terrain. Une constante : dans le premier, Van Veeteren se faisait opérer et laissait le gros du travail à Münster; dans ce dernier, le commissaire est à la retraite et, même si son fils est une des victimes, ce sont ses collègues, particulièrement Reinhart et Moreno, qui s'efforceront de coller les morceaux. Et c'est encore la chance plutôt que le génie qui leur viendra en aide. Comme d'habitude, vers la fin, Van Veeteren sortira de l'ombre et émettra quelques suggestions qui permettront de coincer le meurtrier.

C'est bien écrit, composé de façon assez classique, avec un humour inattendu qui fait plaisir, mais nous nous retrouvons plus près d'une auteure comme Karin Alvtegen que d'un Mankell, d'un Larsson ou du duo Sjöwall et Wahlöö avec qui on le compare souvent. Plus sociologique que psychologique : ce qui contribue à une certaine densité des principaux personnages, auxquels on croit aisément, puis à la description quotidienne détaillée de leur vie policière et familiale. En prime, un enchaînement impitoyable d'événements qui pourrait faire penser, au mieux, à Boileau-Narcejac. Contrairement aux grands polars suédois, cependant, l'aspect énigmatique est moins développé dans la mesure même où l'écriture nous place parfois dans la tête de l'assassin et que nous en savons plus que les policiers; il n'en demeure pas moins qu'on ne sait pas qui est le maître chanteur, ni comment les policiers joindront tous les bouts. Peu de rebondissements mais de petites cachettes. Comme dans le premier, le dénouement n'est pas très inspiré, parce que ce n'est pas vraiment cette dimension du roman qui importe à l'auteur. L'intérêt porte avant tout sur quelques personnages, leur travail policier, une histoire peu carambolesque, et une fin d'enquête qui n'a rien d'une conclusion morale : comme la ville de Maardam, surtout l'hiver, tout est gris, rien n'est définitif.

C'est un genre particulier qui a ses adeptes : c'est long, le temps qu'il faut pour que nous nous imbibions de l'ambiance; ça n'a rien de spectaculaire ou de troublant (l'auteur nous met un peu à distance); c'est plutôt l'atmosphère un peu triste d'un pays inventé avec nostalgie, d'hommes et de femmes de bonne volonté qui travaillent pour donner un sens aux indices et à leur vie, leur anxiété et leur solidarité. J'aime bien une fois de temps en temps. Mais je préfère un rythme plus jazzé (alors qu'ici nous sommes dans le Deep Blues), des grands policiers ou détectives qui ne sont pas encore à la retraite ou à l'hôpital, et des intrigues suffisamment extravagantes qui ne peuvent pas me laisser croire une seconde qu'il s'agit d'un documentaire.

Ma note: 3,5 / 5

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