Tonton Clarinette |
RP (Janvier 2012)
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Max
Mingus vient de purger huit années de prison pour avoir abattu trois
voyous quand il était détective privé. A sa sortie il est sollicité
avec insistance par un riche homme d’affaire pour qu’il retrouve son
fils disparu depuis deux ans en Haïti. Dans un premier temps il refuse
l’offre, trouvant la démarche inutile, vu le temps écoulé depuis la
disparition, puis il finit par l’accepter parce que la récompense est
importante et qu’il lui faut retrouver du travail pour vivre. C’est en
Haïti qu’avant lui d’autres enquêteurs ont tenté de retrouver le
garçon. Ils ont tous mal fini. C’est en Haïti aussi qu’a été expulsé
son pire ennemi, Solomon Boukman, un chef de gang, baron de la drogue,
proxénète, kidnappeur, assassin d’enfants et tueur en série. Haïti
n’est pas une terre d’accueil pour Max Mingus mais il faut bien gagner
sa vie en sortant de taule.
Nick
Stone décrit formidablement bien Haïti et plante parfaitement le décor
de l’action : la misère, les hordes d’enfants, un puissant roi de
bidonville, le chaos et l’insécurité. Les croyances, la magie noire, la
magie blanche, la façon dont vaudou est mêlé à tous les aspects de la
vie des Haïtiens, tout cela est parfaitement bien rendu. La tâche de
Max : retrouver l’enfant, déjà difficile au départ, est encore
plus compliquée dans ce cadre inconnu et hostile. L’auteur sait rendre
palpable cette impression de danger permanent. Il est vrai qu’il sait
de quoi il parle puisque sa mère est haïtienne et que lui-même a
souvent séjourné dans ce pays.
Le
personnage principal, Max Mingus, est un homme au passé douloureux. Il
vient de tirer huit ans de prison et pendant son incarcération sa femme
s’est tuée en voiture. C’est maintenant un homme solitaire, dur et
costaud mais il est aussi psychologue, il sait observer et analyser les
comportements des individus. Ce n’est pas un héros inoxydable dont on
sait par avance qu'il triomphera et se sortira de tout sans une
égratignure. Il a ses faiblesses, il connaît l'angoisse et la peur. Le
personnage est campé avec précision par l’auteur, il est tout à fait
crédible. Les personnages secondaires sont également très bien décrits.
Le
roman est remarquablement bien écrit (et traduit). Le scénario est
impeccablement construit. La progression de l’intrigue est à la fois
linéaire et marquée par quelques surprises et rebondissements
soigneusement aménagés, tout en préservant la vraisemblance de
l’histoire.
Nick
Stone est né à Cambridge le 31 octobre 1966. Il est le fils d'un
historien écossais et d'une descendante de l'une des plus anciennes
lignées d'Haïti. Dès l'âge de six mois, Nick Stone est envoyé auprès de
ses grands-parents d'Haïti, chez qui il restera jusqu'à l'âge de quatre
ans. En Angleterre il étudie l'Histoire à l'université de Cambridge. Il
revient régulièrement en Haïti. C'est lors d'un séjour sur l'île, en
1996, qu'il écrit ce premier roman : Mr Clarinet (Tonton Clarinette).
Ma note : 5 / 5 et coup de cœur
Tonton Clarinette |
RP (Août 2012)
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Miami en 1981. La ville qui était tranquille et agréable se transforme en un réservoir de délinquance. De nombreux immigrants cubains et haïtiens ont métamorphosé des quartiers entiers. Le narcotrafic fait rage et les rivalités entre les bandes de trafiquants provoquent de nombreux morts. Dans ce contexte de violence, un chef de police, Eldon Burns, a crée une unité spéciale, la MTF (Miami Task Force), un groupe d’élite de la police de Miami qui s’est donné pour but de nettoyer la ville. Les méthodes utilisées ne s’encombrent pas du respect des lois : les fausses preuves permettent d’emprisonner des mafieux importants mais faux coupables, tandis qu’on règle discrètement le compte des vrais responsables dont le pedigree est moins flatteur pour les résultats de la police. Max Mingus est un ces policiers de la MTF. Son équipier, Joe Liston, n’en fait pas partie et en plus il ne supporte pas les agissements de la MTF. Mais les deux policiers sont liés par une amitié forte. Ils enquêtent ensemble sur une affaire qui les mènera sur les traces de Salomon Boukman, un truand de haut niveau, auréolé d’un mythe entretenu : il possèderait des pouvoirs surnaturels comme se déplacer furtivement, sans se faire remarquer et disparaître de la vue des gens. Les croyances vaudou ne font qu’amplifier la peur qu’inspire ce personnage.
L’écriture est efficace sans fioritures. L’auteur fait un gros usage des acronymes : MTF (Miami Task Force) – BD (Base de Données) – CBSS (le Club des Barons du Samedi Soir) c’est le cérémonial macabre qui transforme un homme en zombi – PSN (Perception sensorielle du Nègre) c’est l’intuition des noirs selon Joe Liston. Les surnoms aussi sont nombreux : Puissance 6, nom donné par Joe liston au chef de la MTF – Fée Scato, un politicar au service du maire, homme à tout faire des missions douteuses et remueur de merde – Bonbon, l’homme de main psychopathe et cruel qui engloutit des tas de saloperies sucrées. Tout cela contribue à créer une ambiance de polar dure mais avec une pointe d’humour.
C’est un narrateur extérieur qui raconte l’histoire et non les personnages eux-mêmes. Les protagonistes entrent en scène par chapitres alternés de longueur variable. Le rythme de l’histoire est bien soutenu et la tension va grandissant jusqu’à une fin qui n’en est vraiment pas une mais plutôt une mise en attente d’une suite qui ne devrait pas tarder. L’auteur sait créer cette ambiance glauque où l’irrationnel côtoie la magouille et la corruption dans une ville en pleine mutation. Les policiers, les politiciens et les malfrats s’affrontent ou s’entendent suivant leurs intérêts et ambitions. C’est une vision noire du monde.
Ce roman est le second de Nick Stone mais chronologiquement l’histoire se situe avant celle de son premier roman Tonton Clarinette. Cependant les deux histoires ne se rejoignent pas complètement : la fin de Voodoo Land ne s’imbrique pas bien avec le début de Tonton Clarinette, laissant la place à un, ou plusieurs, livre(s) pour faire la jointure. L’histoire ne se finit pas réellement, il faudra probablement attendre un prochain roman pour la connaître. C’est un procédé que je déteste. On tombe dans le roman feuilleton, c’est la facilité quand on est incapable de ficeler complètement une histoire par bouquin, on élabore une longue histoire répartie sur plusieurs livres. Ça fidélise le lecteur ! Cette impression aussi qu’après le succès de Tonton Clarinette, l’auteur en fait un peu trop. Il utilise des grosses ficelles du paranormal quand il suggère que le truand Boukman est quasiment insaisissable, presque invisible et possédant le don d’ubiquité ou lorsqu’il expose les dons divinatoires de la prêtresse vaudou. Autre facilité utilisée par Nick Stone : la présence de la femme qui va rendre le héros, Max Mingus, vulnérable. Celle-là on nous l’a servie souvent !
Malgré ces réserves c’est un thriller palpitant qui fait passer un bon moment, mais à mon avis nettement en dessous du premier livre de l’auteur : Tonton Clarinette qui est moins grand spectacle mais plus profond, surtout en ce qui concerne la description de Haïti. Voodoo Land est un bon polar sans être exceptionnel.
Ma note : 4 / 5Tonton Clarinette |