Le club des polarophiles québécois

La 7e victime (de Alexandra Marinina)

MD (avril 2012)


En un coup d'oeil


À mon avis

J'ai passé bien du temps à traverser ce 30e roman (environ) d'Alexandra Marinina, apparemment l'auteure plus lue en Russie à l'heure actuelle. Il y a eu de bons moments, quelques fines observations psychologiques, et c'est certain que savoir qu'un des deux personnages principaux va être victime d'un meurtrier bizarre dont les motifs nous échappent, ça soulève la curiosité.

Les deux femmes, une policière de la milice de Moscou et une juge d'instruction, cherchent dans leur passé qui peut leur en vouloir à ce point; ce ne sont pas les candidats qui manquent. La plus grande partie de l'histoire consiste à raconter les fausses pistes suivies, les arrestations mal ciblées, les angoisses et la dérive psychologique d'Anastasia Kamenskaia, la policière.

Combien tout cela est pénible et, contrairement à ce qui se produit parfois, le finale ne rachète absolument rien, bien au contraire. Plusieurs irritants me feront prendre congé définitivement de cette auteure. D'abord, on a beau nous expliquer comment fonctionne le nom d'une personne chez les Russes (le prénom, le patronyme, le nom de famille, et on aurait pu ajouter le surnom), quand une vingtaine de personnages vont et viennent au cours des 500 pages et que, selon la relation personnelle ou professionnelle des interlocuteurs, et selon la situation dans laquelle la conversation a lieu, une des quatre dénominations sera utilisée, il ne s'ensuit pas moins que les mémoires les mieux exercées seront soumises à rude épreuve. L'auteure se permet même d'introduire une famille importante au trois-quarts du roman, dans laquelle deux personnages importants ont le même nom que deux de nos personnages principaux : Irina et Natacha! D'où cette impression que, comme l'action est banale et presque réduite à zéro, l'auteure s'ingénie à nous brouiller la vue par des processus comme ceux-là ou par une composition, originale je le veux bien, mais surtout confondante pour le lecteur : de temps en temps, c'est l'auteure qui parle (de l'extérieur), mais très souvent c'est un personnage, l'assassin, par exemple, ou son fils, son père, sa deuxième épouse, sa grand-mère… C'est pire qu'un roman de Dostoievski (qui a quand même d'autres qualités!).

Et puis, on s'afflige sur l'âme russe si gangrenée par la culpabilité : comme l'assassin semble se réserver notre policière pour 7e victime, il doit d'abord en tuer 6; voici comment réagit le personnage principal : « Ça signifie que j'ai fait quelque chose de mal et que quelqu'un, pour se venger de moi, va supprimer six personnes. Quatre sont déjà mortes et deux autres ne vont pas tarder. Et elles pèsent toutes sur ma conscience. Si je n'avais pas mal agi (…) tous ces gens seraient encore vivants. » On se doute bien que ce n'est pas ce super-flic qui va résoudre le problème; c'est plutôt le hasard qui va mener au véritable assassin dont l'arrestation est un anticlimax absolu. D'ailleurs ce qui semble compter c'est plutôt la leçon de morale et de cosmologie mystico-gélatineuse que notre héroïne va lui servir : « Il est arrivé à tout le monde d'être heureux et satisfait. Et pour cela, tout le monde doit payer par la souffrance. Et vous voudriez que l'individu quitte la vie sans s'acquitter de la note? Cela violerait l'harmonie de l'univers… »

Marinina, criminologue spécialisée dans la psychologie des criminels, a pour but d'être réaliste. Et bien, après la crise financière de 1998, la réalité moscovite frôlait la platitude.

Ma note: 2,5 / 5