Le club des polarophiles québécois

L'aile du papillon (de Joel Champetier)

MD (février 2009)


En un coup d'oeil


À mon avis

Je me suis mis dans ce roman québécois avec l'idée de ne pas en faire un compte rendu, donc pour me reposer, puisqu'il risquait d'être plus science-fiction que polar. En fait, pour les polarophiles intégristes, il sera nettement vu comme un roman de science-fiction; par contre, pour les amateurs purs et durs de science-fiction, il risque d'apparaître comme un polar. La conséquence négative de cette ambiguïté, c'est que les commentateurs, cloisonnés d'un côté ou de l'autre, n'en parlent pas. Ce qui serait injuste, car Champetier est doté d'une imagination créatrice rare, a publié un polar original en 94, La Mémoire du lac, écrit beaucoup pour la jeunesse, et est impliqué depuis presque 20 ans dans la revue Solaris.

C'est un roman qui se résume mal et il ne faut pas lire la quatrième de couverture. Au Centre hospitalier Saint-Pacôme de Shawinigan, où se morfondent névrosés et psychosés hétéroclites, un trafic de drogues semble proliférer. Le directeur du Centre engage un détective privé qui tentera d'y voir clair. Cette histoire semblerait assez ordinaire, sauf que s'y superpose une lutte onirique entre les Amis de la forêt et les Nazis. Et que les aventures de Caligo ont clairement un rapport avec celles de l'enquêteur, même si ce rapport est obscur en soi. La boucle sera finalement bouclée mais l'esprit rationnel restera sur sa faim.

Il faut être attentif pour saisir bon nombre d'analogies entre les deux mondes. C'est d'ailleurs la force de ce livre de les avoir multipliées avec application. Le lecteur déchiffreur d'énigmes doit moins se demander comment les trafiquants seront dévoilés que comment les deux mondes interagissent l'un sur l'autre. Et pourquoi, en un sens, ces deux mondes n'en font qu'un. Ne comparons donc pas l'ambiance et les personnages du Centre hospitalier avec ceux de L'Asile de fous de Katzenbach ou de l'Hôpital Sainte-Croix de Senécal (Sur le seuil). N'attendons pas trop non plus des facultés du détective; c'est probablement par ironie que Champetier lui fait éclaircir la situation à son corps défendant.

Ça se lit bien; les personnages sont bien campés, en peu de descriptions psychologiques, plutôt par leurs gestes. Et, probablement à cause du processus de composition, où alternent les deux univers, le suspense ne nous empêche pas de dormir. C'est comme si Fred Pellerin nous racontait une histoire bizarre.

Les amateurs de polars ne doivent pas être rebutés par les 7 premières pages, et n'hésitez pas à les sauter quitte à les lire à la fin ou avant le chapitre 29. Champetier écrit bien, connaît son métier, et surtout sait comment parler à son public-cible, même si, dans ce cas-ci, ce n'était pas évident. Si j'avais été accroché un brin davantage, ce roman aurait été classé dans nos Polaroïdes. J'ai peut-être manqué une coche, mais il me semble que Ferron aurait dû réagir à l'exclamation de Jean-Robert : « Les Amis de la forêt! », (p. 281). Ceci dit, et comme les deux derniers Champetier, Les Sources de la magie, 2002, et Le Voleur des steppes, 2007, appartiennent plutôt à la science-fiction ou à la fantasy, je compte bien mettre la main sur La Mémoire du lac.

Ma note: 3,5 / 5


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