Le club des polarophiles québécois

Les assassins de l'ombre (de Robert Wilson)

JH (août 2009)


En un coup d'oeil


À mon avis

Quoique britannique, Robert Wilson vit au Portugal et situe ses romans à Lisbonne (Une mort à Lisbonne) et surtout à Séville, en Espagne, sa ville de prédilection. Il loge à la frontière entre le polar et le roman d'espionnage, puisque l'influence de Ludlum et de Le Carré est bien perceptible. Mais, même limite, on reste dans le polar, puisque le personnage principal est un inspecteur de police qui enquête sur des meurtres.

Ce roman-ci s'inspire ouvertement des attentats de Madrid du 11 mars 2004. Une enquête sur un meurtre est perturbée par une explosion qui détruit une école maternelle et un immeuble d'habitation abritant une mosquée au sous-sol. Accident dans la préparation d'un autre attentat par des islamistes? Ou attentat d'extrémistes fascistes contre une mosquée? Ou encore?

Minutieux. C'est le terme qui qualifie le mieux ce roman, aussi bien dans sa description de la ville de Séville que dans la description des opérations de sauvetage et d'enquête après un attentat que dans le fonctionnement des cellules terroristes et des organismes de contre-espionnage. Recherche étoffée et crédible, mais qui plombe le rythme d'un roman qui finit par se traîner, à mesure qu'on décrit les tâtonnements de l'enquête et que se mettent en place, petit à petit, les pièces d'un puzzle extrêmement complexe. Rapports d'interrogatoire, revue de témoignages, réunions et discussions de cellule de crise: beaucoup de chapitres très statiques qui, tout aussi réalistes soient-ils, finissent par lasser. On s'y perd dans les ramifications des divers organismes (évidemment rivaux) avec chacun leurs juges, enquêteurs, analystes et informateurs. Ajoutez les témoins, les suspects potentiels et les amis des témoins et des suspects, et vous avez une pléthore de personnages qui donne le tournis et qui se complique souvent par des noms espagnols pas nécessairement courants (Elvira et Angel: deux femmes? Non: le premier est le chef de police et le second est le beau-frère de Falcon!). Quant à la nébuleuse terroriste, vous vous doutez bien qu'elle est loin d'être limpide!

En contrepoint, Wilson explore en profondeur la vie personnelle de ses principaux personnages (les références aux deux premiers romans sont nombreuses et, même si on finit par s'y retrouver, cela doit être plus facile si on les a lus d'abord). Ce sont à mon avis les chapitres les plus intéressants du roman, car Wilson a un réel talent d'écrivain et une compréhension en profondeur de la souffrance psychologique. Ces trames secondaires, contrairement à la trame de l'enquête qui avance à pas de tortue, sont dynamiques et soutenues. Mais il s'agit d'éléments greffés qui ont finalement peu à voir avec l'enquête.

Bref, un roman sérieux et ambitieux, avec des dimensions psychologiques et géopolitiques fouillées qui peuvent instruire sur la mouvance islamiste en Espagne et les strates sociologiques qui s'y superposent. Mais trop de lenteurs, trop de détails, trop de minutie pour soutenir durablement l'intérêt au fil de ces presque 500 pages.

Ma note: 3/5