Le club des polarophiles québécois

Le chemin des brumes (de Jacques Côté)

MD (11 janvier 2009)


En un coup d'oeil

  • Date de publication : 2008 (éd. Alire)
  • Genre(s): procédure policière, suspense.
  • Mots-clés: tueur psychopathe, disparition.
  • Personnage principal: Daniel Duval, lieutenant (SQ), et son co-équipier Louis Harel.

À mon avis

Jacques Côté, né en 1959 à Lévis, professeur de littérature au Cégep de Sainte-Foy, publie des romans depuis 20 ans. Son premier polar paraît en 2000 : Nébulosité croissante en fin de journée (tous ses polars sont publiés chez Alire). C'est le début des enquêtes de Daniel Duval, policier à Québec, à la veille des Jeux Olympiques de Montréal (1976). Une bonne histoire et un style sympathique. Le deuxième, Le Rouge idéal (2002), m'avait paru plus corsé, se présentait sous la forme d'une énigme (ce à quoi je suis particulièrement sensible) et le principal suspect était un professeur de philosophie (ce qui me touchait personnellement). Ce roman obtint le prix Arthur-Ellis 2003, remis annuellement au meilleur polar canadien francophone. Puis, en 2005, La Rive noire m'est passé sous le nez!? Prix du roman policier de St-Pacôme, 2006. Comme j'aime bien ces histoires qui se passent dans la région de Québec fin des années 70/début 80, j'y reviendrai sûrement.

Pour le moment, je viens de terminer le dernier-né, Le Chemin des brumes (2008). Pour un résumé/commentaire/entrevue, voir ICI.

Le début est lent. Je m'avançais avec méfiance dans ce chemin des brumes parce que des enfants étaient impliqués et, là-dessus, mon seuil de tolérance est bas. Pourtant, pendant que le grand-père et ses petit-fils préparaient leur feu de camp sur les bords de la Ouiatchouan, en pleine forêt, l'ambiance était légère à Cancun, où Duval et Harel participaient aux Jeux mondiaux des policiers et pompiers. Puis, à partir de la page 45, ça décolle : meurtres, fuite et double poursuite, et là on y croit sans trop de mal. A la fois suspense, parce qu'une partie du récit nous place dans la position et les émotions de Vincent, l'ado de 13 ans qui s'efforce d'échapper au tenace psychopathe, et thriller dans la mesure où, en contrepoint, nous suivons les entreprises coordonnées des forces policières pour retrouver vivant le jeune homme. Et le taré a toujours un pas d'avance. Pas facile de suspendre la lecture jusqu'au lendemain. Nul doute que les thrillers de Jobin, de Le Roy ou de Fawer sont plus complexes, mais l'aspect suspense du roman de Côté nous irrite les nerfs et nécessite un apaisement rapide

Côté joue bien sur le contraste entre la beauté de la forêt québécoise et la laideur des esprits dérangés. Ses dialogues se tiennent malgré la difficulté à faire dialoguer des enfants entre eux et avec un grand-père. Son parti pris réaliste inclut les jurons des policiers, le joual québécois, les tics jeannois; pourquoi pas? Les lecteurs de romans noirs en ont entendu d'autres, et ça détonne moins que des traductions de Fuck you! par Va te faire foutre!. Pas besoin de lire chronologiquement la série des Duval/Harel, mais c'est certain que la consistance des principaux personnages y gagnent un peu, de même que la sympathie, non évidente au premier abord, que suscite Duval, dans lequel il me semble que l'auteur s'investit beaucoup : gros travailleur, apte à changer les couches d'un bébé, sensible à la solidarité entre hommes (l'esquisse d'une amitié entre lui et le Jeannois Harvey est plaisante), agnostique et anticlérical presque malgré lui, idéaliste pourtant, et peut-être même un peu naïf sur certains bords. Autre force de Côté : ses consultations de sources autorisées font partie de son métier d'écrivain, et sa documentation semble impeccable, autant en ce qui concerne les procédures policières, dont il est une sorte de spécialiste, qu'en ce qui a trait à la faune et la flore laurentiennes.

Certains commentateurs ont eu l'impression que Vincent était un peu trop débrouillard pour ses 13 ans. Pour moi, c'est plutôt le tueur qui avait des qualités de chien pisteur. Pas très grave. Une mise en garde, cependant : je n'ai rien contre le fait qu'un policier ne soit ni misogyne, ni alcoolique, ni désabusé, ni en lutte contre son patron débile ou arriviste. Mais il ne faudrait pas que la sympathie éprouvée par l'auteur pour les forces de l'ordre déteigne trop. Car, alors, on risquerait de passer du réalisme à l'angélisme.

Ma note: 4/5


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