Le club des polarophiles québécois

Les corbeaux entre eux (de Josh Bazell)

JH (août 2010)


En un coup d'oeil


À mon avis

Des lecteurs nous ont déjà demandé pourquoi nous n'avions pas encore parlé de Ruth Rendell, qui passe pour une des grandes dames du polar britannique de notre génération. Née en 1930, elle a publié 67 romans jusqu'en 2010, son dernier étant The Bithday Present, sous le nom de Barbara Vine, pseudonyme souvent utilisé pour signaler des romans plus psychologiques ou sociologiques. La série qui met en scène l'Inspecteur Wexford s'étend de 1964 (Un amour importun) à 2010 Not in the Flesh (Ni chair ni sang). J'avais l'impression, après avoir lu un de ses romans il y a une dizaine d'années, (ni un Wexford ni un Vine), qu'il s'agissait justement de romans trop psychologiques pour figurer dans notre site, un peu comme dans le cas de plusieurs romans d'Altvegen. La qualité du récit n'était pas en question.

En effectuant des recherches sur Caroline Graham, j'ai appris que les quatre policiers les plus populaires en Angleterre actuellement étaient Barnaby, Morse, Frost et Wexford. Puis, je suis tombé sur une réédition récente des Corbeaux entre eux et j'ai voulu voir ça de plus près.

25 ans, ce n'est pas nécessairement beaucoup, sauf que, dans le domaine du polar, de 1985 à 2010, c'est la période de temps qui correspond à l'implantation de l'ordinateur, du cellulaire, du GPS. Un inspecteur semble tout nu s'il n'a pas cette technologie à son service, surtout s'il n'a pas lui-même l'éclat d'un Holmes, le panache d'un Poirot, l'intelligence d'un Wolfe ou la sagesse du Juge Ti. Or, Wexford est un Inspecteur bien ordinaire, un anti-héros, un bon père de famille moins acharné que Barnaby, moins raffiné que Brunetti. Et, faut le dire, plutôt vieux jeu. Les personnages sont bien développés mais il y en a trop; les jeunes filles, par exemple, sont trop semblables pour qu'on retienne leurs différences. Le rythme est lent, comme dans la vie sans doute, mais ce parti pris de réalisme accentue la dimension psychologique très poussée et très gratuite. Au sens où, quand on mise trop sur la psychologie au détriment des énigmes matérielles, tout devient possible. Les sinuosités de l'esprit s'avèrent passablement tarabiscotées. C'est construit avec cohérence, mais la cohérence d'un engin complexe dont l'auteure seule peut connaître le secret. Ce qui, pour ma part, entraîne une perte d'intérêt.

Quant aux découvertes de Wexford, il a beaucoup de chance de posséder une hénaurme (sic) intuition (ses pas qui le guident inconsciemment vers une maison où habitent des témoins importants puis, encore plus gros, dans un jardin où une victime, cruciale pour le déroulement de l'enquête, est découverte) et d'affronter des adversaires qui prennent des chances vraiment très inutiles (la cachette du couteau).

Assez sympathique, mais pas facile d'embarquer et surtout de rester attaché jusqu'au bout malgré la pertinence des aperçus psychologiques relatifs aux relations interpersonnelles. Comme le fait d'être tombé sur un roman des années 80 ne rend peut-être pas justice à l'auteur et qu'il faudrait voir comment Wexford a vieilli, je décernerai pour le moment 3,5.

Ma note: 3,5 / 5