Le club des polarophiles québécois

La dernière arme (de Philip Le Roy)

MD (12 décembre 2008)


En un coup d'oeil

  • Date de publication: 2007 (Au diable vauvert) et 2008 (Seuil: Points).
  • Genre: thriller politico-économique.
  • Mots-clés: aventure internationale, exotisme, enlèvement.
  • Personnage principal: Nathan Love, profileur zen.

À mon avis

En 2005, Le Dernier testament de Philip Le Roy remportait le Grand prix de littérature policière. Deux ans plus tard, Le Roy reprend la formule des aventures rocambolesques de son profileur Nathan Love, athlète rompu aux arts martiaux, esprit zen qui, tout en préconisant la suppression de l'ego et la neutralisation des désirs, supprime surtout l'ego (et ce qui va avec!) de ceux qui nuisent à ses projets et il neutralise plutôt sa neutralisation des désirs, ne serait-ce que par expérience philosophique.

Après un court Prologue dont le sens ne se clarifiera qu'à la fin (comme dans Le Dernier Testament), le lecteur est accroché par quelques disparitions impossibles, en tout cas improbables (pour un genre de résumé, voir le site de l'auteur). Pas un seul puzzle, au moins dix! De jolies et brillantes jeunes femmes disparaissent à Washington, à Bruxelles, à Paris, à Tokyo, à Moscou, au Caire... Le plus souvent, il y a des témoins qui ont l'impression d'avoir été victimes d'un tour de prestidigitation ou qui évoquent les extraterrestres (rassurons-nous tout de suite : cette hypothèse est erronée). Comme les polices officielles piétinent et que les pressions deviennent insupportables, parce que ces jeunes femmes connaissaient de près des personnages importants, on fait appel à Nathan Love. Attachez votre ceinture : l'apparent polar à énigme devient un thriller à l'emporte-pièce.

Plusieurs éléments rappellent un peu Pelletier : de brefs chapitres se succèdent en emportant le lecteur aux quatre coins du monde, contexte de complot à saveur économico-politique, information suffisante pour rendre plausibles le décor et le nœud du problème dominant, pointe d'érotisme, ironie légère, violences multiformes (du coup de pied circulaire au missile). Bien écrit (même si j'ai eu à quelques reprises le réflexe de vérifier qu'il ne s'agissait pas d'une traduction), et les expériences personnelles de l'auteur comme globe-trotter, spécialiste des arts martiaux, rédacteur de scénarios, sont utilisées avec intelligence. Éléments artistiques en musique et en peinture non dénués d'intérêt. Et un rythme général de symphonie en quatre mouvements : Adagio (avant l'entrée en scène de Love), Allegro (on tourne les pages à toute vitesse), Scherzo (le repos du guerrier), Molto allegro (l'assaut final).

Bref, il ne manque pas grand chose pour que Philip Le Roy devienne une de mes valeurs sûres : les personnages sont très nombreux et quelques-uns gagneraient à être développés davantage, même ceux qui vont mourir (et qui sont nombreux); j'ai eu parfois l'impression que Le Roy et Love les sacrifiaient au profit de l'action. En ce sens, même les solutions aux énigmes originelles sont un peu décevantes pour un amateur de polars énigmatiques; pour Le Roy, ces disparitions étaient plutôt des actions accrochantes, des grabbers, pour nous embarquer rapidement. Enfin, je veux bien jouer le jeu du super héros mais, même si Love est atteint de deux ou trois balles et subit une méchante dégelée (en 600 pages), ces blessures ne l'incommodent pas vraiment. Or, c'est presque le monde entier qui s'en prend à lui : mafias, services secrets, forces de l'ordre qui utilisent armes blanches, automatiques, explosifs, missiles, et j'en passe. Un peu trop invulnérable à mon goût : James Bond, je veux bien, mais Goldorak, non.

Ma note: 4/5


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