Le club des polarophiles québécois

La dernière tentation (de Val McDermid)

MD (mai 2010)

Note: voir aussi mon entrée Valeur sûre pour Val McDermid.


En un coup d'oeil

  • Date de publication originale: 2002 (The Last Temptation)
  • Date de l'édition française: 2003 ( Masque/Hachette, 550 p.) / 2004 J'ai Lu Thrillers
  • Genre(s): thriller, procédure policière.
  • Mots-clés: infiltration, tueur en série, enlèvement
  • Personnages principaux: Carol Jordan, policière, et Tony Hill, profileur
  • Résumé et commentaire: ici

À mon avis

Gros bouquin sans doute, mais je suis content de retrouver la McDermid que j'aime. Composée entre La souffrance des autres (2004) et La fureur dans le sang (1997), La dernière tentation (2002) est du même calibre que les deux autres. A l'époque, McDermid n'était pas encore fatiguée de ses personnages. Comme l'auteure accorde une grande importance aux relations personnelles entre Jordan et Hill, il est finalement préférable de lire la série dans l'ordre, mais ce n'est pas indispensable si l'évolution de ce couple vous importe peu.

Une des grandes qualités de McDermid est justement sa façon de doter ses personnages d'une profondeur caractéristique, qui les rend crédibles : le couple récurrent Jordan/Hill, bien sûr, mais ici le tueur en série Wilhem Mann, l'homme de main Darko Krasic, son chef Tadeusz Radecki, et je pourrais défiler la liste jusqu'au petit policier d'appoint, alias Requin. Le nombre de personnages pertinents est quand même relativement peu élevé et ne risque pas de congestionner votre mémoire. La force principale de McDermid réside, toutefois, dans l'art de raconter une bonne histoire à 3 ou 4 dimensions : Jack Vance sera-t-il libéré et constituera-t-il un danger pour Hill? Quel sera le sort de la fille de Marlene, qui a été enlevée? Jordan, infiltrée dans le gang de Radecki, parviendra-t-elle à le piéger, alors que sa fausse identité est fragile? Et que vient faire là-dedans le tueur en série? Toutes ces histoires se recoupent, de sorte que le rythme semble rapide. Les principales dimensions ne se ramèneront pas nécessairement à une seule, comme les multiples fils d'une histoire à la Nesbo, mais le synthétiseur c'est Tony Hill qui, ici bien malgré lui, se met les pieds dans tous les plats et s'en tire à peu près, grâce à Petra ou à Marijke.

Autre intérêt : McDermid ne fait pas dans la dentelle : les pégreux sont cruels et le tueur en série massacre ses victimes. Dans La dernière tentation, cependant, la violence et la cruauté nous sautent moins au visage que dans les deux premiers romans de la série, mais les allusions sont très explicites et le travail de notre imagination contribue efficacement à la noirceur de l'atmosphère. Autre intérêt : les bons, y compris Hill et Jordan, ne s'en sortent jamais indemnes, jamais innocents non plus (d'où un certain intérêt à les lire chronologiquement). Et les méchants attirent parfois notre sympathie. L'ambiance est glauque, les personnages sont gris. Enfin, l'auteure soigne les décors : le Rhin et ses villes riveraines constituent un arrière-fond original. Une partie des romans de McDermid, et on ne le remarque pas toujours dans le feu de l'action, contient des aspects réels bien documentés.

Ceci dit, Carol Jordan et Tony Hill ne sont pas des super héros et ils peuvent même s'avérer fatigants par leur naïveté, leur sentiment de culpabilité, leur prétention et leur manque de maturité. Dans La dernière tentation, ils se font prendre d'une façon d'autant plus puérile qu'ils savaient qu'ils se rendaient vulnérables en s'exposant aux fenêtres. Et la raison pour laquelle Tony risque sa vie, c'est qu'il croit soudain que sa vie ne l'intéresse plus, alors que 5 minutes après il pense le contraire!? Évidemment, ces gens-là vivent des expériences bouleversantes qui les ravagent progressivement. Et c'est sans doute leur fragilité qui les rend sympathiques à bien des lecteurs.

A cause d'un double dénouement décidément trop bien servi par la chance ou le hasard, je ne peux malheureusement pas dépasser 4.

Ma note: 4/5