Le club des polarophiles québécois

Faux coupable (de John Katzenbach)

MD (août 2010)


En un coup d'oeil

  • Date de publication originale: 2006 (The Wrong Man)
  • Date de l'édition française: 2008 (Presses de la cité) et 2010 (Pocket, 727 p.)
  • Genre(s): Suspense
  • Mots-clés: Harcèlement, chantages, meurtre.
  • Personnage principal: Michael O'Connell, sociopathe.
  • Excellent résumé de Claude Le Nocher: ici

À mon avis

C'est mon troisième Katzenbach et, même si L'Analyste demeure pour moi son chef-d'œuvre, Faux coupable est plus captivant que la plupart des romans que j'ai lus depuis quelques mois. Un des rares à m'empêcher de dormir. Tellement anxiogène qu'il faut en finir, ce qui ne nous empêche pas, à l'occasion, de ralentir le tournage de pages, pour demeurer dans cette ambiance effrayante, non par masochisme, mais pour apprivoiser et contrôler l'angoisse qui s'empare de nous.

Beaucoup d'atouts : peu de personnages (une dizaine qui comptent vraiment), des caractères tracés avec beaucoup de crédibilité, un rythme saccadé, brisé par un genre d'à-côté à la fin de chaque chapitre, agaçant mais assez mystérieux pour accentuer notre malaise, composition d'ensemble intelligente, un méchant très méchant mais intelligent, assez pour nous donner l'impression qu'il est invulnérable, assez faillible pourtant pour nous donner l'espoir qu'il va bien finir par se planter; enfin, ses adversaires, une jeune fille capricieuse, ses parents vulnérables dans la mesure où leur formation universitaire ne les a pas préparés au monde ordinaire (j'ai pensé à quelques reprises à l'affrontement entre l'avocat respectable et le truand rancunier dans Cape Fear), l'amie de la mère, lesbienne sympathique, plus réaliste dans la mesure où on devine que son orientation sexuelle lui a fait connaître, malgré elle, la dureté des relations interpersonnelles; sa mère, une bonne femme qui en a vu d'autres et qui dispose de plus de bonne volonté que de moyens efficaces.

C'est certain que nous avons tendance à nous identifier à ces victimes, à qui nous ressemblons un peu, mais pas parfaitement parce qu'ils ne nous apparaissent pas si sympathiques que cela : les parents Sally et Scott, des maniaques du travail pour y noyer leurs autres responsabilités, la jeune Ashley, petite bourgeoise capricieuse apparemment frondeuse mais plutôt froussarde parce que trop fille de bonne famille pour ne pas être troublée et dévastée par des facteurs d'instabilité (c'est vrai que, dans son cas, Michael O'Connell est un facteur terrifiant). Et, inversement, Michael est certainement un genre de monstre mais tout n'est pas négatif chez lui : il est intelligent, sa façon de nous révéler les faiblesses des petits-bourgeois (pour en profiter) ne manque pas de pertinence; sa solitude assumée en fait aussi une sorte d'anti-héros, en un sens respectable, mais que moi aussi j'aurais le goût, et peut-être le courage, de tuer pour que le monde ne se porte que mieux après.

Un des points communs qu'on retrouve chez Katzenbach, c'est l'odyssée entreprise par quelqu'un de vulnérable, qui n'est toutefois pas sans ressource, pour affronter un danger absolument imprévu dans son existence paisible qui menace sa vie ou celle de ses proches; et cette odyssée, souvent couronnée de succès malgré parfois de sérieux dommages collatéraux, comme on dit, transforme cette personne de façon irréversible. C'est le prix qu'il faut payer pour accéder à la réalité, pas si laide que ça en soi, mais terriblement dure et difficile à assumer.

Mon collègue Jacques se moque parfois gentiment des romans-pépères (c'est lui qui le dit mais je comprends ce qu'il veut dire) dans lesquels il m'arrive de me complaire. Mais je crois que c'est par self-défense : car, si je lisais successivement quatre ou cinq romans comme Faux coupable, mes amis devraient me recrinquer au prozac.

Ma note: 4,5 / 5