Le club des polarophiles québécois

La fin de Selb (de Bernhard Schlink)

MD (juillet 2009)


En un coup d'oeil


À mon avis

Bernhard Schlink s'est fait connaître de ce côté-ci de l'Atlantique avec Le Liseur, un roman qui n'a rien d'un polar, et qui s'est gagné un large public. Jusqu'à aujourd'hui, il écrivait à temps partiel mais, près de la retraite, il se consacrera probablement totalement à l'écriture, du moins il en rêve. La Fin de Selb est son troisième polar qui met en scène Gerhard Selb, le détective de Mannheim, assez âgé pour être à la retraite lui aussi. Schlink avait écrit auparavant Brouillard sur Mannheim et Un hiver à Mannheim.

Je dois admettre que ce roman m'a profondément ennuyé. Peut-être à cause du climat de Mannheim; peut-être à cause des détours par Berlin où Selb prend l'eau à deux reprises; peut-être parce que, au tiers du livre, le détective se demande encore la raison de son enquête; ou parce que tous les personnages manquent de relief, même sa copine Brigitte, et servent surtout à renvoyer Selb à lui-même. Et que ce lui-même (selb=soi-même) est peu intéressant, fatigué de sa vie actuelle, de son passé aussi et d'un avenir très aléatoire. Probablement plus intéressé à régler des problèmes avec lui-même qu'avec quoi que ce soit d'autre, il s'efforce de faire comme s'il était encore curieux : pourquoi l'a-t-on engagé? De quoi est mort l'archiviste? D'où vient cette valise pleine d'argent? Qu'est-ce qui se passe à la Banque des Sorabes? Négligeant sa santé, son amante et ses amis, il est à la recherche d'un temps perdu et découvre des réalités psychologiques : Autrefois, je pensais que les hommes étaient des pragmatiques, et les femmes des romantiques. Aujourd'hui, je sais que c'est l'inverse. Ou des principes philosophiques : Les fils du destin ne doivent pas pendre dans le vide. Ils doivent être tissés dans le tapis de l'histoire. C'est seulement lorsqu'ils le sont que nous pouvons tourner la page . Bon!

Ce n'est pas mal écrit, mais la composition est déconcertante et les scènes souvent décrites par allusion; au moment de l'échange des otages dans le parc, par exemple, des coups de feu partent on ne sait d'où, des corps tombent, et chacun retourne à son point de départ. Il est possible que l'auteur cherche à décrire l'incohérence de l'existence, la complexité incompréhensible des motifs, les orientations absurdes des comportements, la futilité de vivre ou de mourir. S'agit-il d'une nouvelle forme de réalisme impitoyable? Possible. En tout cas, pour le lecteur c'est impitoyable, torturé, lassant.

Je me suis demandé, en désespoir de cause, si un Allemand jeune ou moins jeune, de préférence de Mannheim, pouvait trouver dans ce roman un peu de ce qu'un Ontarien peut trouver dans les romans d'Eric Wright. Il existe peut-être une banalité et une platitude spécifiquement mannheimiennes dans lesquelles un lecteur de là-bas peut se retrouver et se rassurer; plus largement, la culpabilité liée au Troisième Reich est peut-être responsable d'une persévérante impossibilité de pouvoir vivre heureux hors des ténèbres. Ce qui est certain, c'est qu'en décrivant la singularité de son temps et de son lieu, Schlink n'atteint pas l'universel. Heureusement!

Ma note: 2,5 / 5


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