Le club des polarophiles québécois

L'anneau de Moebius (de Franck Thilliez)

JH (30 janvier 2009)


En un coup d'oeil


À mon avis

Ce roman est le sixième de Franck Thilliez. Ce dernier a taillé sa place dans le peloton de tête des romanciers polars français et ce roman, en particulier, semble avoir eu un gros succès, car il est encensé et couvert d'éloges sur les sites spécialisés. Encore une fois, il semble bien que je doive assumer ma dissidence ...

Le roman se situe à mi-chemin entre le polar et la science-fiction. Polar parce que des meurtres particulièrement répugnants sont commis et que l'enquête pour identifier le coupable constitue la charpente du roman; mais science fiction, puisque toute l'intrigue repose sur la possibilité de communication entre passé, présent et futur. Voici l'amorce de l'intrigue, accompagnée d'une critique qui me semble assez juste.

Le paradoxe temporel est toujours un thème fascinant et il a été traité de toutes les façons par les auteurs de SF (particulièrement Asimov, qui l'a fait de façon quasi-définitive avec La fin de l'éternité). Peut-on, lorsque l'on connaît le futur, le modifier à partir du présent? Ou si, au contraire, le futur est déterminé et doit s'accomplir, malgré toutes les tentatives d'empêcher un meurtre ou de prévenir un accident, par exemple? Thilliez essaie de renouveler le thème en imaginant la voie du rêve comme moyen de communication entre passé et futur et exploite la théorie des univers parallèles du physicien Hugh Everett pour résoudre les paradoxes créés par les actions de Stéfur (le Stéphane du futur) et de Stépas (le Stéphane du passé).

Mais la réalisation romanesque ne convainc pas vraiment. Tout d'abord, il y a une recherche du glauque et du monstrueux qui semble plutôt gratuite, puisque rien dans l'intrigue n'exige une telle débauche de sang, de mutilations, d'amputations et d'anomalies biologiques - sans compter l'acrotomophilie (oui, la manie de faire l'amour avec des amputés!). Il y a sans doute une volonté de jouer dans l'extrême, à la Grangé; mais, malheureusement, sans le talent de Grangé. On attrape vite le tournis à se faire promener du présent au futur et au passé du futur et il est facile de s'y perdre - comme le font les personnages principaux! Thilliez ajoute à la sauce quelques théories scientifiques à la mode et des détails médicaux et scientifiques et brasse le tout dans une mayonnaise qui a bien du mal à prendre. L'écriture n'arrange rien, avec des dialogues peu naturels et des descriptions d'émotions et de comportements extrêmes qui sont, c'est là le problème, seulement décrits et non évoqués ou mis en contexte. Il était terrifié, ça ne vous fait pas imaginer ou ressentir sa terreur. Et cette manie suprêmement agaçante de faire du remplissage en terminant les chapitres par un sybillin Il venait de comprendre ou La lumière se fit enfin dans son esprit et il vit le détail qui lui avait échappé jusque là.

Je me suis rendu à la fin, mais de peine et de misère. Oui, l'hypothèse de base est séduisante, l'intérêt est piqué et on espère toujours que les choses vont s'éclaircir. Et il y a des moments où on vient bien près d'être pris. Mais on est frustré fréquemment et déçu par une finale bâclée. Thilliez a voulu faire un roman original et ambitieux; mais le résultat ne convainc pas. Parce que l'écriture n'est pas à la hauteur des ambitions; mais surtout parce que l'auteur, pour moi, n'a pas bien fait la différence entre la complexité et la confusion.

Ma note: 3/5


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