Le club des polarophiles québécois

Une proie certaine (de John Sandford)

MD (mai 2011)


En un coup d'oeil

Note: sous la rubrique En Vrac, Jacques a rédigé une note générale sur Sandford, très généreuse.


À mon avis

Je sais bien que nos sensibilités ne sont pas nécessairement identiques, surtout par rapport à un objet comme un roman policier qui répond à des besoins particuliers et limités; à l'opéra, par exemple, on peut toujours compter sur la musique, si les chanteurs sont médiocres, ou sur le livret si le chef est incompétent Dans un polar, on a affaire à un genre de problème, une enquête, une solution et un détective ou un policier qui relie tout ça. D'où l'importance de ces grands catalyseurs que furent Holmes ou Poirot. Le quatrième de couverture indiquait que l'inspecteur Davenport était le plus attachant du thriller américain. Depuis quand un chroniqueur doit-il se fier aux commentaires d'une maison d'édition ou aux journalistes ratoureux?
Les sensibilités sont différentes, le chroniqueur doit rechercher une certaine objectivité (en tout cas, ne pas être injuste et fournir ses arguments pour étayer ses jugements), je suis bien d'accord avec tout ça. Malgré tout, je dois admettre que ce roman m'a lourdement ennuyé, que Davenport m'est apparu comme un gros épais, que la traduction est défectueuse, et que l'écriture est médiocre. Roman de gare, au sens de roman qu'on écrit dans une gare.

D'abord, la traduction : le langage des truands français (de France) n'a rien à voir avec l'argot américain. Si la traductrice est Française, elle devrait passer quelques heures à regarder Navarro. C'est comme dans un film américain, quand on lit sur les lèvres : Fuck you! Et qu'on entend Va te faire foutre! Parfois la traduction n'a pas de sens : ici, par exemple, deux fois l'usage du verbe bander : Mallard observe une corrélation entre une femme et la mafia et s'exclame : Bon sang, Davenport, ça me fait bander! (p.176). Plus loin, Sherrill dit à Davenport à propos des journalistes : Tu refuses tout commentaire. Ça, ça les fait toujours bander (p.324) ???????? Sans parler des dialogues enfantins.

Quant à Davenport, à part de s'asseoir en s'étendant les pieds sur le bureau, il n'a pas beaucoup d'autres signes distinctifs. Sandford a beau nous rappeler : il est intelligent, il est méchant, il ne respecte rien. Quand, au lieu de se contenter de lire ces descriptions maladroites et inutiles, on le regarde agir, ce n'est ni son intelligence, ni son courage, ni son charme, ni sa brutalité qui nous frappe. Il ressemble plutôt à un fonctionnaire lourdaud qui échafaude des hypothèses sans fondement et dont le hasard est le meilleur ami.

Ça commençait pourtant bien et le dernier coup de téléphone est intéressant. Rien de neuf, mais il y a quelque chose là. Après 30 pages, cependant, les scènes se répètent, les personnages sont des caricatures de figures usées à la corde : la méchante bitch, le détective chauvin, la tueuse à gages assez sympa qui a eu une enfance malheureuse, les autres policiers qui se contentent d'être des faire-valoir de Davenport. Et l'auteur qui semble s'emmêler lui-même : de qui venaient-ils finalement ces coups de téléphone de la maison de Louise Clark à Carmel Loan?

Parfois, on a l'impression pourtant que Sandford a un certain talent, une certaine imagination, mais qu'il est pressé de répondre à la demande, d'où l'impression de négligence, de travail mal fait, en québécois on dirait du travail botché qui caractérise ce roman-ci. Vous m'excuserez de ne pas avoir le cœur de vérifier si c'est toujours comme ça.

Ma note: 3/5