Le club des polarophiles québécois

Un roman de quartier (de Fernando Conzales Ledesma)

JH (mars 2011)


En un coup d'oeil

  • Date de publication : 2008.
  • Date de l'édition française: 2009 (L'Atalante, 286p).
  • Genre: roman noir, polar sociologique.
  • Mots-clés: vengeance, bas-fonds.
  • Personnage principal: inspecteur Mendez, de la police de Barcelone.
  • Résumé et commentaire: ici.
  • Bio-bibliographie de Ledesma: sur Wikipédia.

À mon avis

La découverte d'auteurs étrangers majeurs, telle que celle que je viens de faire de l'Espagnol Ledesma, me fait mesurer mon ignorance. Rien de tel pour cultiver l'humilité!

Né en 1927, Ledesma est, au terme d'une carrière bien remplie, l'auteur de nombreux romans (dont une quinzaine traduits en français) et récipiendaire de nombreux prix. La plupart de ses romans noirs se situent à Barcelone et mettent en vedette l'inspecteur Mendez, flic atypique au bord de la retraite, nostalgique d'une autre époque, plus ou moins mis sur une tablette par sa hiérarchie, mais qui est quand même utile par sa connaissance profonde des quartiers mal famés et du monde des truands, des putes et des pauvres hères.

Le quartier de ce Roman de quartier, ce n'est pas un quartier touristique de Barcelone, loin de là: c'est le Barrio Chino (ou Raval), quartier autrefois ouvrier et mal famé, avec ses gargotes, ses putes et ses petites frappes et aujourd'hui sur le déclin et pas encore gentrifié. L'intrigue policière est minimale, quoique bien structurée: elle sert plutôt de fil conducteur à une fresque sociale qui rappelle Simenon. Il y a plus de vingt ans, David Miralles a vu son fils de trois ans tué froidement par deux truands lors d'un braquage qui a mal tourné. Le roman commence lorsqu'un des deux truands, libéré de prison, est assassiné, sans doute par Miralles, bien que la police n'ait aucune preuve contre lui. Le second truand, Erasmus, a vent de l'affaire et comprend qu'il est le prochain sur la liste. Ce qui s'annonce, c'est un duel à finir entre Erasmus et Miralles. L'inspecteur Mendez, coincé entre les deux, essaie d'y voir clair et, si possible, d'empêcher l'effusion de sang.

On ne lit pas ce livre pour savoir comment ça va finir: on s'en doute pas mal, quoique la finale cache un joli retournement inattendu. L'intérêt de ce roman, c'est la galerie de personnages, superbement croqués et très attachants, ces putes au grand coeur et ces petites gens devenus vieux et nostalgiques. Et, bien sûr, Miralles, anéanti par la perte de son fils et qui essaie de lui reconstruire une vie fictive. Ledesma manifeste ici une profonde connaissance de l'âme humaine, une sensibilité à fleur de peau et une compassion profonde envers la souffrance des petits, même si elle est souvent dissimulée sous une carapace de cynisme et de critique sociale.

Mais ce qui impressionne encore plus, c'est l'écriture, le style très personnel qui virevolte avec virtuosité, parfois dans le même paragraphe, entre le sarcasme coluchien, le morceau de bravoure, l'élan lyrique et le monologue intérieur, voire l'adresse directe au lecteur ou au personnage principal. Amateurs d'énigmes tordues ou de rebondissements haletants, vous serez déçus. Mais pour les autres, il y a, dans ce roman, l'occasion de découvrir un grand écrivain.

Ma note: 4,5 / 5