Le club des polarophiles québécois

La route de Gakona (de Jean-Paul Jody)

JH (janvier 2011)


En un coup d'oeil


À mon avis

La vie hors normes de Nikola Tesla, physicien et ingénieur du début du XXe siècle, inventeur entre autres du courant alternatif, de la radio et du radar, semble inspirer les romanciers. John Case, par exemple, avec La danse des esprits, ou encore l'excellente biographie romancée Des éclairs, de Jean Echenoz.

Tesla, génial et caractériel, n'a pas su soigner sa publicité, protéger ses brevets et gérer ses finances; cela explique qu'il ne soit pas aussi connu qu'un Marconi (qui lui a pîqué son brevet de radio) ou Edison (avec qui il a entretenu une inimitié orageuse). Mais c'était un visionnaire qui rêvait, entre autres, de transporter de l'énergie sans fil, de se servir des ondes comme armes antiaériennes ou de modifier le climat à l'aide de faisceaux. De nombeux brevets à son nom dorment dans les archives.

Le romancier français Jody, dont c'est le 5e thriller, capitalise là-dessus pour construire son roman. Aux quatre coins du monde, des radioamateurs ou bricoleurs du dimanche sont assassinés, sans autre lien entre eux que de s'être intéressés, par loisir ou curiosité, aux brevets de Tesla. Kinscoff et sa charmante stagiaire (non, il ne la baisera pas, ce qui est un exploit dans le polar!) remontent la piste, poursuivis par des tueurs à la solde de pouvoirs occultes, qui ont intérêt à ce que l'exploitation secrète des idées de Tesla (bouleverser le climat, créer des séismes, contrôler les cerveaux et autres machinations aussi terrifiantes) reste secrète.

Autour de cette intrigue assez simple et répétitive (après la cinq ou sixième élimination de pauvres bricoleurs par les sbires des Services secrets, disons qu'on voit venir!), Jody attache de grands passages didactiques (mais clairs) soutenant ses thèses conspirationnistes (on croit retrouver Éric Laurent ou Thierry Meyssan), appuyés par une imposante recherche documentaire. On a droit également à de longues descriptions exotico-touristiques: par exemple, une vingtaine de pages pour décrire une expédition en traîneau à chiens dans l'Alaska, guidée par un Québécois de service qui dit, évidemment Tabarnak et prévient ses invités qu'y fait frette en câlice par icitte! Tour juste s'il ne leur offre pas de la poutine. C'est fou ce que les Français s'imaginent savoir du Québec en alignant semblables clichés. Ça nous donne le goût, à nous autres Québécois, de nous remémorer Paris et ses trois B (baguette, béret et bidet) ...

Si la conspiration militaro-industrielle ou le polar touristique est votre tasse de thé, vous apprécierez probablement. Sinon, vous pouvez en faire l'économie.

Ma note: 3/5