Le club des polarophiles québécois

A Samba for Sherlock (de Jô Soares)

MD (février 2011)

Note: ce roman est en anglais.


En un coup d'oeil

  • Date de publication : 1995 (Ö Xango de Baker Street).
  • Date de l'édition américaine: 1997 (Random House 97 et Vintage 98, 266p)
  • Genre: enquête policière et thriller léger
  • Mots-clés: meurtres affreux en série, milieu intellectuel de Rio de Janeiro en 1886
  • Personnages principaux: Sherlock Holmes et Mello Pimenta de la police de Rio
  • Bio-bibliographie: ici.

À mon avis

Comme je n'ai pas trouvé de résumé en français, je me ferai un plaisir de résumer cet excellent roman d'un des bons intellectuels brésiliens d'aujourd'hui, Jô Soares (1938- ), peintre, musicien, journaliste, écrivain, dramaturge et comédien au théâtre et à la télé. Deux romans l'ont fait connaître en Europe, dont cette Samba pour Sherlock Holmes.

L'Empereur du Brésil, Dom Pedro II, apprend avec tristesse et tremblement que la baronne Maria Luisa Catarina de Albuquerque, s'est fait voler son Stradivarius. Tristesse, parce que c'est lui qui le lui avait offert; tremblement, parce que son épouse, la jalouse Teresa Cristina de Bourbon, apprend elle aussi non seulement la nouvelle du vol mais aussi que ce violon précieux avait été offert par Dom Pedro présumément à sa maîtresse. Une enquête rapide et efficace est souhaitée. Or, Sarah Bernhardt, la divine, qui donne à ce moment-là plusieurs spectacles à Rio, et qui connaît Sherlock aussi bien que Pedro, propose à l'empereur de faire venir le détective déjà célèbre, même s'il ne semble pas avoir encore 30 ans, puisque l'inspecteur chargé de l'enquête, Mello Pimenta, en a par-dessus la tête, d'autant plus qu'il doit aussi avoir à l'œil un tueur de jeunes filles, qui les mutile, les dépèce et abandonne une corde de violon sur leur pubis. S'amènent donc Sherlock et son inséparable Watson, qui se lancent aussitôt à l'assaut du voleur qui est rapidement apparenté à l'assassin, ne serait-ce qu'à cause de la coïncidence des dates du vol et du début des assassinats. Pimenta l'introduit dans le milieu intellectuel des artistes, des écrivains et libraires, des musiciens et des comédiens, tous liés d'assez près à l'empereur dont ils profitent de la bienveillance. C'est avec une certaine nostalgie que Soares en profite pour nous introduire à l'histoire du Brésil, sa gastronomie, notamment l'origine de sa boisson nationale (rhum avec glace, lime et sucre), ses paysages, ses restaurants et autres principaux bâtiments. Cependant, la diversion est courte car le meurtrier frappe encore. Sherlock est séduit par l'irrésistible Anna Candelaria, tandis qu'un serpent s'attaque à Watson. Un autre meurtre. Sherlock inaugure la mode des vêtements blancs en lin, délaisse la cocaïne pour la marijuana, multiplie les chaînes déductives sans trop de succès. Un quatrième meurtre; comme le violon n'a que quatre cordes et que les quatre cadavres ont été ornés d'une de ces cordes, sera-ce donc le dernier meurtre? Et où est rendu le violon?

L'auteur connaît sa matière et son Holmes est très vraisemblable même si Soares s'amuse un peu à le démystifier en insistant sur certains de ses travers. A tel point que des lecteurs qui ont besoin d'un Holmes héroïque ont été vexés des libertés que se permettait Soares. C'est certain qu'on est plus près de Nicholas Meyer que du plus classique René Reouven. Mais comment ne pas apprécier la façon sûre de Holmes pour déduire que le serpent qui a mordu Watson n'est pas venimeux? Comment ne pas partager son émoi amoureux après un premier baiser : Pas même en poursuivant les plus dangereux criminels avait-il ressenti une telle émotion! Ce qui est important, c'est que ni les informations historiques ou géographiques, ni les descriptions sociologiques de la bohème artistique (où les Brésiliens reconnaissent sûrement certains habitués), ni les aperçus de la vie théâtrale et littéraire de la fin XIXe siècle à Rio ne ralentissent l'action ou distendent la tension propre à un thriller même écrit sous un mode mineur (léger plutôt que tragique). Soares cite le mot de Wittgenstein: L'humour n'est pas une disposition affective passagère, mais une façon de regarder le monde. C'est en comprenant l'humour de cette façon qu'on dira que son roman est humoristique. L'assassin et Holmes, cependant, sont très sérieux.

Ma note: 4,5 / 5