Le club des polarophiles québécois

Sous les mains sanglantes (de Val McDermid)

MD (déc 2009)


En un coup d'oeil


À mon avis

J'avais hâte de retrouver le profileur Tony Hill. Les premiers Hill/Jordan étaient très efficaces. Et les deux autres que j'ai lus, Le tueur des ombres et Noirs tatouages (pas des Hill/Jordan) m'ont un peu déçu. Sous les mains sanglantes commence dans un hôpital psychiatrique ou un fou furieux saccage meubles et personnes avec une hache pour finir par fracasser un genou de Tony Hill. Belle ambiance retrouvée : on dirait que c'est un enchaînement au Sur le seuil de Patrick Senécal.

Mais ce n'était qu'une mise en bouche et l'atmosphère change rapidement quand le héros de l'équipe de foot (soccer pour nous) de Bradley est foudroyé par on ne sait quoi, sinon que c'est impitoyable. Jusqu'à la fin, l'enquête se déroule sous le soleil, en évitant les décors expressionnistes sordides dans lesquels McDermid excelle. Nous nous retrouvons donc dans un polar d'enquête plus classique malgré une intervention musclée des forces spéciales qui passent leur temps à rechercher des terroristes; on joue donc un peu sur l'opposition entre ces forces spéciales abusives et la police municipale qui doit continuer à vivre auprès des habitants qui ont été traumatisés, et à leur inspirer confiance. Refrain connu pour ceux qui ont vécu la crise d'Octobre où l'armée a traité comme de la merde aussi bien les citoyens que la police locale.

A part cette dimension originale, on retrouve les procédés habituels d'un polar d'enquête : croisement de quelques problèmes que les policiers doivent traiter en même temps, alors que, une fois de plus, les hypothèses de Tony sont rejetées par Carole avec une bonne conscience difficilement compréhensible. On sait bien pourtant que dans cet univers Father Tony knows best! Ça ne manque certes pas d'intérêt de constater comment le casse-tête se construit morceau par morceau grâce à la contribution de chaque membre de l'équipe. On apprend d'ailleurs à les fréquenter un peu plus, mais les petites différences de chacun disparaissent dans leur obsession commune du travail, ce qui est surtout vrai pour Carol et Tony, et contribue passablement à en faire des personnages en soi peu intéressants finalement.

La reproduction d'un héros sportif et de son entourage, et surtout les descriptions de scènes de foule en pleine hystérie où chacun court dans tous les sens sont très réussies. Et, comme d'habitude chez McDermid, les dernières pages se tournent assez rapidement. Mais quelques invraisemblances (dont Tony qui parvient à interroger le jeune frère de Yousef dans des circonstances où ses déplacements sont imprévisibles), quelques beaux hasards (la photo reconnue par l'enfant) transforment ce thriller potentiel en roman de plage divertissant, sans plus. Quant à nos héros, même si les dialogues s'améliorent (mais ici la responsabilité des traducteurs intervient), ils sont trop enfantins et timorés pour être vraiment attachants. Je n'en veux pour illustration que la scène finale où, dans un clin d'œil à Chapeau melon et bottes de cuir, Carol invite Tony à boire une coupe de champagne devant un beau paysage. Alors que John Steed et Emma Peel vidaient cette coupe avec élégance et complicité ludique, Carol et Tony vivent ce moment avec malaise, comme s'ils se sentaient coupables de ne pas être au travail.

Ma note: 3,5 / 5