Le club des polarophiles québécois

La théorie des dominos (d'Alex Scarrow)

MD (octobre 2011)


En un coup d'oeil

  • Date de publication : 2007 (Last Light).
  • Date de l'édition française: 2010 (Livre de poche, Thriller, 570p.)
  • Genre: thriller international
  • Mots-clés: destruction des réseaux pétroliers, panique, apocalypse
  • Personnage principal: Andy Sutherland, géologue,
  • Résumé: ici.
  • Bibliographie (en anglais): .

À mon avis

C'est le premier roman d'Alex Scarrow traduit en français, mais il a bien du chemin derrière lui. D'abord guitariste rock, puis graphiste, il a fini par devenir écrivain pour les jeunes (TimeRiders) et a produit quelques thrillers pour les grands depuis 2006, une dizaine en tout. Un collant sur la couverture indique que ce roman a obtenu le Prix des lecteurs, mais de quels lecteurs s'agit-il? Peu importe, parce qu'un critère vaut tous les prix qu'on voudra : c'est le premier livre depuis plus de 30 ans qui me fait manquer une station de métro, qui plus est un terminus. Tout le monde était sorti et un employé est venu frapper dans la fenêtre, à ma stupéfaction et mon épouvante, pour m'avertir que tout le monde devait descendre! Et là, je me suis trompé de sortie!

Bref, ce thriller porte bien son nom. Suspense aussi, en partie, parce que les personnages d'une même famille auxquels le lecteur s'attache finissent par se retrouver aux prises avec le même tueur. La force de ce roman me semble résider dans sa thématique cruellement actuelle (qu'arriverait-il si, du jour au lendemain, le pétrole venait à manquer?), dans une écriture simple et claire même si les informations techniques et géopolitiques sont précises (exemple, p. 354 : Si le pétrole venait à manquer, « un Occidental moyen aurait besoin de 96 esclaves pour lui permettre d'assumer le train de vie quotidien auquel il s'est habitué », et surtout dans une composition rigoureuse au rythme haletant : les oléoducs sautent, les superpétroliers flambent, les sources pétrolières sont sabotées, le ravitaillement est devenu impossible; un discours mal avisé du Premier ministre britannique, qui en appelle au calme légendaire des Anglais pour supporter les privations, les coupures d'électricité, le manque de ravitaillement des produits de base, la limitation drastique des transports… provoque la panique, le chaos, l'apocalypse, même éventuellement une courte guerre nucléaire entre la Russie, la Chine et l'Inde.

Nous suivons trois séries d'effets de cette crise qui s'entrecoupent tout au long du récit : en Irak, des soldats et des ingénieurs, dont le géologue Andy Sutherland, essaient de se sortir d'un guêpier dont ils sont devenus des cibles de choix. En banlieue de Londres, l'épouse d'Andy, Jenny, qui était allée passer une entrevue pour un emploi, doit revenir comme elle peut, alors que les autoroutes sont vides, que les policiers tirent à la va-vite sur n'importe qui ou se font tuer par n'importe qui, et que l'homme est devenu un loup pour l'homme, comme disait l'autre, quand, faute de contrainte légale, la contrainte morale n'existe plus tellement en situation de crise. A Londres, leur fille Leona (une ado) et leur jeune fils Jacob s'efforcent de survivre comme ils peuvent, ce qui est d'autant moins facile que Jenny est pourchassée par un tueur très doué parce que, plusieurs années auparavant, elle avait déjà vu (en se trompant de chambre à l'hôtel) trois des organisateurs de cette catastrophe, dont certains sont d'éminents citoyens.

Le petit groupe formé par la CIA pour lutter contre ces millionnaires qui possèdent les banques, les armes, les media, et manipulent politiciens et populations, n'est pas de taille. L'avenir n'est pas rose.

Non seulement le rythme est effréné, mais la progression est implacable, la cohérence étant assurée par une conviction idéologique qui cimente l'ensemble sans qu'on y sente le prêchi-prêcha. Il y a du J-J Pelletier là-dedans sauf que, au profit d'une peinture détaillée des trois scénarios qui se poursuivent simultanément, il y manque une description des principaux instigateurs de cette crise mondiale et de la mise en œuvre de leur projet. Du moins, ç'aurait été la réserve que j'aurais manifestée si la fin eût été plus convenue. Mais le dénouement me laisse croire que cette zone d'ombre était nécessaire pour ne pas détourner l'attention de l'essentiel. Un épilogue courageux!

Ma note: 4,5 / 5 et Coup de coeur.