Cruelles natures |
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Antoine était un écologue réputé, reconnu par
ses pairs pour la qualité de ses chroniques. Maintenant, il a abandonné la
rédaction d’articles, il s’est retiré dans la Brenne (département de l’Indre
dans le centre de la France) où il ne fait plus que des recensements d’animaux
morts en notant scrupuleusement les espèces et les lieux. Sa compagne Myriam a
abandonné sa famille, pour le suivre, par amour. Les choses ont bien changé
pour eux : Myriam n’adresse plus un seul mot à Antoine. On sent qu’un
évènement grave s’est produit, provoquant cette rupture, mais on ne sait pas
lequel. Myriam, murée dans son mutisme, exprime sa détresse et son désespoir
dans des lettres qu’elle adresse à sa fille, Mauricette, sans jamais recevoir
de réponse. Mauricette de son côté, dans le Nord, galère pour vivre à tel point
qu’elle décide avec deux de ses copains de braquer un bar-tabac. L’attaque se
passe mal, les choses tournent au désastre pour eux.
Dans la Brenne il n’y a pas que les humains qui ont
des comportements bizarres, les animaux aussi semblent atteints de mutations
étranges : les geais se prennent pour des faucons et les sangliers se
mettent à attaquer les troupeaux de moutons, pour les dévorer, tels des loups.
On a l’impression que quelque chose ne va pas, que l’équilibre du monde s’est
détraqué. La Brenne, pays d’étangs, de forêts et de brume, contribue à créer un
climat lourd où le danger n’est pas clairement identifié mais présent en toile
de fond.
Le récit est fait à plusieurs voix : les
chapitres d’Antoine alternent avec ceux de Mauricette et aussi avec les lettres
écrites par Myriam à sa fille, ce qui nous permet de suivre en parallèle les
évènements vécus par les protagonistes. Pascal Dessaint écrit bien, ce n’est
pas nouveau. Il sait rendre parfaitement cette atmosphère étrange de folie grandissante
des humains et de détérioration de l’équilibre naturel. Il signe ici un livre très
sombre dans un style sobre et efficace. Pascal Dessaint est, à mon avis, un des
meilleurs écrivains de romans noirs.
Ma note : 4 / 5
Cruelles natures |
RP (Juin 2011)
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Le livre commence par une galerie de portraits
pas piqués des vers :
- Antonin,
ancien maton, maintenant à la retraite, il passe son temps à observer les gens,
assis sur un banc de la place du village. Il a le projet de tuer sa femme.
- Maxime,
apiculteur, il a du mal a rentabiliser ses ruches surtout depuis qu’elles sont
attaquées par le frelon asiatique. Il reçoit la visite de Paul, le fils de son
ancienne compagne. Tous deux ont des choses à tirer au clair.
- Rémi,
amoureux de ses deux poules (des volatiles de basse-cour, pas des filles
entretenues) qui se prénomment Sten et Dhal, la rouge et la noire. Rémi a le
cerveau dérangé depuis la mort de sa compagne.
- Baptiste,
amateur de hard rock, homosexuel, il vit avec son compagnon Loïk. Il préfère sa
cité de banlieue à la cambrouse, toute cette verdure l’oppresse.
- Loïk,
l’autre membre du couple homo, aime à sa façon les animaux, mais trouve la
queue des rats trop longue. En tentant de la couper à la bonne dimension, il
est mordu au visage. Ancien détenu, il a un compte à régler avec Antonin,
ancien maton.
- Martine,
l’épouse d’Antonin, sait comment mettre la pression sur le maire du village,
Michel, et la faire retomber aussi. Elle a le même projet funeste envers son
mari que lui vis-à-vis de sa femme.
- Coralie,
secrétaire de mairie, frustrée et vierge à 46 ans, elle veut changer
radicalement tout ça. Elle se prépare en regardant des films pornos.
- Michel,
le maire, s’offre des largesses avec l’argent de la municipalité et avec ses
administrées. Il aime l’argent plus que tout.
- Charles,
le gendarme fataliste qui a mal aux genoux, est appelé par son cousin car
quelqu’un a flingué sa vache, une belle Blonde d’Ossau. C’est le début d’une
série de contrariétés.
Tout ce petit monde réuni dans un village rural
de l’Ariège, c’est une situation où le calme apparent de la campagne bucolique
est assez précaire. Effectivement il va se passer une série d’évènements
dramatiques.
L’histoire est racontée à plusieurs voix sans gêner la compréhension, bien au contraire, cela la facilite. C’est une
comédie noire où l’humour, noir aussi, rend le récit tragi-comique. Les personnages
sont d’une perfidie, d’une hypocrisie et d’une méchanceté réjouissantes et
toniques mais ils n’inspirent pas le dégoût. Ce ne sont pas des monstres, ils
paraissent finalement très humains, bien que pas très recommandables. Ici pas
de bons sentiments. Il n’y a pas d’illusion sur la nature de l’homme. On est
loin du mythe du bon sauvage.
Un régal de lecture et coup de cœur pour l'humour caustique de l'auteur.
Ma note : 4,5 / 5 et coup de cœur