André Jacques

La tendresse du serpent
Les lions rampants

La tendresse du serpent

MD (juin 2009)


En un coup d'oeil

  • Date de publication : 2008 (Québec Amérique, 493p.)
  • Genre(s): thriller, enquête.
  • Mots-clés: crime organisé, enquête journalistique.
  • Personnage principal: Alexandre Jobin, antiquaire, ex-major de l'armée canadienne.
  • Lien externe: Résumé et entrevue avec Érich Langlois (Voir).

À mon avis

Dès les premières pages, on s'aperçoit qu'on a affaire à un vrai écrivain. La Tendresse du serpent, ça ne s'écrit pas en une fin de semaine. Sans être travaillée comme celle de Bouthillette, l'écriture de Jacques est soignée et élégante. Ce n'est pas toujours le signe d'un bon roman policier, car on peut sacrifier l'intrigue au style comme d'autres le font à l'érudition historique ou au bavardage esthétique. Mais Jacques ne sacrifie rien : écriture claire, intrigue pertinente, insertion montréalaise réussie (on ne regardera plus certains coins de Montréal de la même façon), et incursion bien dosée dans le domaine de l'art : après tout, l'ex-major Jobin est antiquaire.

Même si on se promène à Shanghai et à Paris, l'essentiel se déroule à Montréal où se rencontrent les motards de Maurice ' Moth' Monfette, les triades du Chinatown, la mafia italienne et russe. Suite au 11 septembre, les forces de l'ordre se sont redéfinies et les truands doivent s'adapter, notamment en se partageant les activités et en faisant circuler l'information de façon prudente. Toujours aux aguets, des journalistes au long nez montent un dossier compromettant et se font bientôt éliminer. C'est toujours un peu risqué de s'en prendre aux journalistes, surtout quand un de ceux-ci est l'ami d'Alexandre Jobin.

Jobin est débrouillard mais ce n'est pas James Bond. L'essentiel du roman consiste à le suivre pas à pas, tout en voyant d'un autre oeil comment les méchants s'organisent pour contrecarrer ses approches. Le déroulement de l'enquête est un peu lent, les amis de Jobin lui donnent un bon coup de main, alors que l'inspecteur Latendresse tourne en rond; un zest de péripéties sentimentales ne gâche pas la sauce et une pointe d'humour assaisonne l'ensemble. Jusqu'au milieu du roman, on se croirait presque dans l'univers de Pelletier sans l'envergure internationale.

J'ai seulement été un peu déçu par le final : pas par ce qui arrive aux principaux personnages; au contraire, c'est souhaitable que certains adversaires de Jobin s'en sortent : on les retrouvera probablement dans une quatrième aventure (après Les Lions rampants en 2000 et La Commanderie en 2004). Plutôt par la façon dont sont rendus les événements : des commentateurs ont déjà dit que l'écriture de Jacques était cinématographique, comme celle de Pelletier ou de Ludlum. Ce n'est pas le cas dans le final, qui manque un peu de punch, comme si l'écriture racontait les événements plutôt que de les montrer en direct. A cette petite réserve près, ce roman est de qualité supérieure, et nous espérons beaucoup d'autres histoires de ce solide et sympathique romancier.

Ma note: 4/5



La tendresse du serpent
Les lions rampants

Les lions rampants

MD (juillet 2009)


En un coup d'oeil

  • Date de publication : 2000 (réédité en 2009 chez Québec Amérique, 359p)
  • Genre(s): enquête, cozy
  • Mots-clés: recherche musclée d'une statuette délicate.
  • Personnage principal: Alexandre Jobin, antiquaire, ex-major de l'armée canadienne.
  • Liens externes: Bref résumé et biographie.

À mon avis

Comme j'avais bien aimé La Tendresse du serpent d'André Jacques, j'ai voulu voir comment les aventures d'Alexandre Jobin avaient commencé et j'ai donc mis la main sur le premier roman policier de Jacques, Les lions rampants. L'intrigue est assez simple : à partir du moment où apparaît dans un reportage télévisé une petite statuette figurant un lion rampant que Jobin a donnée à une accessoiriste, ce lion devient la proie des motards, de groupes néo-nazis, d'étrangers riches et impitoyables; finalement, de la police aussi. Pour Jobin et la jeune accessoiriste, Chrysanthy Orowitzn, le salut est dans la fuite, puis dans une contre-attaque musclée.

Comme c'est le premier roman d'une série, l'auteur passe bien du temps à présenter les personnages principaux, Jobin évidemment, Chrysanthy, et les amis de Jobin avec qui il festoie chaque premier vendredi du mois : le restaurateur corse Théo Lambrini, le médecin Raphaël Saint-Amant et le journaliste Jean-Paul Rainville. A créer l'ambiance aussi : amicale, détendue en ce mois d'avril où sévissent quelques dernières bordées de neige mais où les terrasses commencent à ouvrir sur Saint-Laurent, Saint-Denis et Prince Arthur. Il n'est pas évident, dans les 230 premières pages, qu'il s'agit d'un roman policier. C'est plaisant et crédible, surtout pour un montréalais, mais Jobin est plus antiquaire que major. L'inspecteur Latendresse vient faire son tour : tous ont compris qu'il y en a qui recherchent ce lion saugrenu, mais pourquoi? Jobin l'ignore, Chrysanthy aussi, Latendresse davantage.

Ce qu'on comprend aussi, c'est que tous poursuivent Chrysanthy parce que tous savent qu'elle a le lion. A Saint-Irénée, finalement, elle et son lion se font enlever. De poursuivi, Jobin devient poursuivant. Et le final est tout américain.

Jacques, dans la postface, écrit que la composition de ce roman s'est étirée sur près de 7 ans. On comprend que l'écriture se veut soignée, mais c'est plus probablement parce que l'auteur est encore professeur au Cégep de Thetford Mines (jusqu'en 2003). Dans un cas comme celui-là, on risque de perdre un peu de vue le caractère synthétique de la composition. Il en résulte quelques faiblesses au niveau du montage. Par exemple, l'attentat contre Latendresse arrive un peu au milieu de nulle part et entraîne peu de conséquences dramatiques. Mais surtout : d'où sort ce deuxième lion? On peut pardonner à Jobin des intuitions fulgurantes (le rapport entre la statuette et la situation politique en Slavitzine, l'arrivée d'un cargo plutôt louche), mais de quel chapeau a-t-il tiré le deuxième lion, essentiel au dénouement? Pour un amateur de thriller, les éléments jetés çà et là doivent se rassembler dans le tableau final et, inversement, un élément essentiel du développement ne doit pas être passé sous silence.

Je suggérerais donc ce roman plutôt à ceux qui se plaisent aux récits de Claude Izner (voir ma note sur Martha Grimes). L'antiquaire Jobin fait d'ailleurs un peu penser au libraire Victor Legris. On embarque dans ces histoires avec un sourire; on prend l'intrigue avec un grain de sel. L'aspect érotico-sentimental est de bon aloi et inoffensif. Parfois, on dirait de la littérature pour la jeunesse. Ça se sent que c'est arrangé avec le gars des vues, mais c'est bien écrit. Comparé à ce roman, le troisième d'André Jacques, La Tendresse du serpent, représente le grand bond en avant de celui qui peut enfin s'adonner pleinement à son plaisir d'écrire, qui ne fait aucun doute.

Ma note: 3/5

La tendresse du serpent
Les lions rampants